Texte
écrit sur Facebook par l’oncle (pied noir) de ma cousine Marie Hélène Yung,
Philippe Darricarrère:
Il
le sait. Il n'y a qu'à voir sa tête sur la photo à Alger. Le premier jour, il
lâche : "La colonisation est un crime contre l'humanité" C'est très
choquant pour les survivants de cette période dont je fais partie. Et le
lendemain, essayant de se rattraper, que dit-il ? Une phrase lui revient en
mémoire machinalement : " Pieds- noirs, je vous ai compris ! " Phrase
de triste mémoire. Il ne pouvait pas faire une gaffe pus grave. 😞
Mon
sentiment est qu'il se laisse influencer. La France n’a pas envahi une nation
souveraine comme il le déclare. Le candidat à l'élection présidentielle a
survolé bien trop vite ses dossiers avant que son avion se pose sur le tarmac
de l’aéroport d’Alger pour donner cette interview incroyable du 13 Février 2017
que les pieds noirs ne sont pas prêts d’oublier. Quel gaffeur ce Macron ! Il a
encore quelques progrès à accomplir sur le plan de la diplomatie et du respect
des sensibilités des uns et des autres.
Visiblement,
il ne connaît pas le dossier de la colonisation de l’Algérie. Comme il est
intelligent, il remplace sa méconnaissance du dossier par l’éloquence. Mais
cela ne fait pas illusion et ne cache pas son inculture concernant les
relations séculaires entre la France et l’Algérie. Il n’a pas eu le temps
d’assimiler une notion très importante, c’est que l‘Algérie n’existait pas
quand les français ont débarqué à Sidi Ferruch en 1830. Ce sont eux, les
Français qui ont « inventé » l’Algérie à partir d’un immense territoire
quasiment désert qui n’avait encore aucune unité, la Grande Barbarie. C’était
son nom.
Il
y avait sur ce territoire:
1. Des tribus berbères, véritable melting-pot
résultant du mélange des descendants des précédents envahisseurs, romains,
phéniciens, et vandales de qui les berbères tiennent leur teint clair si
sensible au soleil brûlant d’Afrique du nord.
2. Des tribus arabes nomades parties de la
péninsule arabique entre 661 et 750 après JC.
3. Des espagnols autochtones dont Oran était la
capitale,
4. Des juifs séfarades chassés d’Espagne par
Isabelle la Catholique,
5. Des descendants d’esclaves européens affranchis
par la Régence d’Alger,
6. Et enfin les citoyens de l’empire Ottoman,
véritables maîtres des lieux de 1515 à l’arrivée des français en 1830. Peu
nombreux les Ottomans s’étaient regroupés sur la côte qu’ils écumaient avec
leurs bateaux pirates. Le pays était sous la garde des Janissaires, célèbres
pour leur cruauté. Comme les Vandales avant eux, les Ottomans ne s'assimilèrent
jamais aux autres communautés. Durant trois siècles, ils demeurèrent à l’écart,
vivant comme des étrangers en Afrique du Nord.
La
France de Charles X n’avait nullement l’intention d’envoyer une population de
peuplement dans ce territoire infesté par la Malaria, dont la terre desséchée
était peu fertile et nécessitait un travail considérable de mise en valeur.
Non, ce fut la piraterie organisée par le Dey Turc d’Alger, qui décida la
France a tenter une opération militaire à Sidi Ferruch. En effet, la principale
source de revenu de la Régence d’Alger était la piraterie esclavagiste en
Méditerranée qui causait beaucoup de tort à la navigation commerciale des pays
développés et exposait aux razzias des pirates « barbaresques » non seulement
les équipages des navires mais aussi les populations côtières.
En
1818, les principaux pays européens se réunirent en congrès pour évoquer ce sujet
qui les préoccupait depuis le 17ème siècle : comment mettre fin à cette
nuisance dont la base logistique n’était autre que le port d’Alger l’Ottomane.
En
1815, les États-Unis avaient déjà, à cause de cela, déclaré la guerre à Tripoli
suite à l’enlèvement de 130 citoyens américains voyageant en Méditerranée. Tous
avaient été capturés, en pleine mer, entre 1785 et 1793. Pour cela, la marine
américaine s’attaquera, sans succès, au Dey ottoman d’Alger.
Un
peu plus tard, en 1815 toujours, ce seront les Néerlandais qui tenteront à leur
tour, sans succès eux aussi, de mettre fin à la piraterie esclavagiste
installée à Alger, abritée derrière des murailles d’où partaient les bateaux
pirates.
En
d’autres termes, le Congrès international de 1818 exprimait la montée en force
de l’exaspération internationale, face au trafic esclavagiste écumant depuis
trop longtemps les eaux de la Méditerranée et ses côtes occidentales. A
l’époque, Chateaubriand appellera la France à prendre la tête de ce combat.
C’est ainsi que commença sans vraiment en avoir envie la colonisation de ce
territoire inhospitalier.
La
France a donc mis un terme à cette barbarie (bizarre, c’était le nom usuel du
pays à l’époque), en sécurisant la circulation des navires marchands. Puis un
peu sans le vouloir, les militaires ont aussi pacifié l’intérieur des terres et
c’est à ce moment-là que l’installation d’une population de paysans dans le
pays a tout naturellement germé dans l’esprit des gouvernants français de
l’époque.
Ensuite
pendant 130 ans, la paix civile s’est installée en Algérie qui est devenue
département français régi selon les mêmes lois que la métropole. Pendant cette
période la France a fait œuvre d’éducation, de civilisation et de
médicalisation de la population autochtone qui vivait dans une très grande
misère. Peu nombreuse au début, décimée par une mortalité infantile importante
et une absence totale d’hygiène, cette population s’est considérablement
multipliée, preuve s’il en est besoin, de la bonne administration française. Mon
arrière-grand-père était à cette époque médecin général inspecteur des hôpitaux
d’Algérie et veillait à prodiguer les soins médicaux à toutes les composantes
de la population algérienne sans aucune discrimination.
Ce
n’est qu’en 1962, après la confiscation des entreprises françaises par l'État
algérien et les débuts de l’exploitation du gisement de gaz naturel
d’Hassi-Messaoud qui générait beaucoup de convoitise, que la nation algérienne
musulmane, épurée de sa population d’origine européenne, a pu émerger. Mais à
cette date, la colonisation était terminée depuis longtemps et la cohabitation
entre les français d’origine et les autochtones n’avait pas aussi mal
fonctionné qu’on le dit. J’en suis témoin. Notre famille revendiquait à
l'époque le droit pour les français d’être chez eux en Algérie, après cinq
générations nées dans le pays. Ils avaient gagné ce droit par leur naissance et
leur travail dans le pays.
Ceci
n’a malheureusement pas empêché la très grande injustice qui leur a été faite
lorsque le 19 Mars 1962, une période extrêmement violente de tri ethnique et de
terrorisme aveugle leur a fait préférer l’exil à la mort. Je faisais
personnellement partie de cette innocente population civile coincée derrière
les grilles du port d’Oran sous la protection d’une armée française désarmée
par les accords d’Évian !
Je
ne vois pas où est le crime contre l’humanité dont parle monsieur Macron. Il
semblerait qu’il ne considère que la période de la torture lors de la bataille
d’Alger. Torture non autorisée par les règles internationales éditées par les
pays développés pour une « guerre propre » mais largement utilisée par les
fellaghas, à tel point que les paras de la légion ont pu effectivement «
oublier » la réglementation internationale par esprit de vengeance. Ce qui bien
sûr ne les y autorisait pas mais pourrait les faire bénéficier de circonstances
atténuantes.
Donc,
les français n’ont pas colonisé l’Algérie en 1830, tout simplement parce que
cette nation n’existait pas encore ! C’est la France qui a enfanté l’Algérie
telle qu’on la connaît aujourd’hui, toute pétrie de culture française et de
religion musulmane. Les migrants français, pour la plupart des paysans sans
terre dont ma famille faisait partie, se sont établis sur ce territoire
agricole grand comme la moitié de la France mais peuplé seulement de trois
millions d’âmes en 1830, selon l’historien Xavier Yacono.
L’administration
française a-t-elle été meilleure ou pire que l’administration Ottomane ?
Personnellement il me semble que le résultat en 1962 n’était pas si mauvais que
cela et c’est bien dommage que les français dont je fais partie, aient été
obligés de partir de ce pays qui aurait pu continuer de fonctionner ainsi,
toutes les communautés œuvrant ensemble à sa mise en valeur, un peu à la
manière du Brésil. L’histoire en a décidé autrement dans la douleur, la mort,
et l’exil. Alors laissons l’oubli continuer son œuvre. Raviver ces souvenirs
est trop douloureux. Taisez-vous monsieur Macron.
Philippe
Darricarrère
Commentaire personnel :
Merci
Monsieur de cette mise au point. Je trouve que sur ce pays comme sur tous les
pays arabes nous avons commis beaucoup d’erreurs dans le passé, mais cela ne
nous a pas servi de leçons puisque nous en commettons encore…
Nous
ne savons rien faire d’autre que de ressasser cela et de ne jamais mettre en
avant ce que nous avons apporté aux autres pays. Nous avons des qualités mais
nous ne savons que parler de nos défauts, cette erreur nous perdra…
Michel Prieu
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