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A6 - France - Australie (21-4-16)

Chers tous,


Ce soir, j’écoutais de la musique, en jouant avec mon ordinateur, quand un entrefilet du journal m’annonça que le Premier Ministre Australien venait de consacrer le succès de DCNS sur le projet d’achat de 12 sous-marins de la marine australienne d’ici 2027. Savez-vous où j’étais c’est après midi ? Sur la base navale de Sydney ! Un signe ?... Non, je me contente de faire que partout où je suis, il fait soleil.

Dans ces périodes de doute, vous ne pouvez pas savoir ce que cela fait du bien d’avoir une bonne nouvelle. J’ai appris dans le même temps que hier, ANZAC Day, que 3000 Australiens et Néozélandais étaient dans la Somme pour célébrer la mémoire des soldats tombés pour nos valeurs.

Je suis en pétard depuis des années contre nos dirigeants qui ont laissé tomber l’industrie. J’en veux aux idéologues de tout poil qui croient que nous pouvons obtenir des succès individuels et collectifs sans travail. J’enrage de constater que l’école (je ne veux pas parler de l’Education Nationale) est incapable de former des jeunes gens pour leur donner un sens des responsabilités face à la vie. Elle savait le faire, j’en suis un pur exemple. Vous lirez cela dans un livre à paraître à l’automne. Son titre ? « Rendez-moi ma République ».

Que représente à mes yeux ce contrat colossal de l’industrie d’armement, institution qui m’a formé et donné quelques principes solides face aux enjeux de notre époque ? D’abord la consécration d’un groupe industriel compétent dont l’Etat fait partie (mais pas les hommes politiques). Comme Edf, comme Airbus…d’autres succès. Etat actionnaire mais non acteur, car il peut tout gâcher… Nous autres Français sommes très particuliers dans le monde économique, on est meilleurs que les autres et on ne le sait pas ! Ceux d’entre nous qui en sont persuadés voguent sur le marché : LVMH, L’OREAL, CARREFOUR, …RENAULT, MICHELIN…Bien sûr que c’est dur de s’attaquer au marché mondial, mais il est bien plus grand que la France et que l’Europe. Il nous est ouvert, mais nous nous le fermons trop souvent.

Notre notoriété dans le monde est faite sur nos idées, sur nos manières d’inventer des choses nouvelles, parfois dans le sang. Mais vu de loin nous avons fait avancer les idées de bien des pays qui nous regardent. Nous avons le sens des choses belles : esthétiques et efficaces. Je l’ai montré avec l’aide de mes équipes dans l’industrie. J’ai voulu à l’âge de 13 ans travailler pour elle. Je ne savais évidemment rien de tout ce que je vous dis mais l’âge aidant, j’ai appris. En 1988, nous n’avions pas de logiciels français pour piloter la gestion d’une entreprise. Nous l’avons inventé avec deux collaborateurs. Nous nous sommes cooptés. Le logiciel vit encore. Il y a 18 ans, la bataille du bol fusée faisait rage dans l’industrie automobile. Les Japonais qui en avaient besoin au Mans voulaient l’importer du Japon comme ils l’avaient fait aux USA et au Brésil. Mon équipe a refusé. Perdue entre Paris et Reims, l’équipe de techniciens s’est mobilisée, nous avons gagné la confiance des Japonais et remporté le marché. L’usine est japonaise aujourd’hui.

Pourquoi vous dire tout cela ? Les gens qui ont travaillé avec moi avaient des compétences et une passion : celle de leur métier. Bien entendu pas forcément des hommes faciles à mener mais un champion, c’est un caractériel, un fondu de ses idées…Sans cela, il n’arrivera à rien. Et ma passion, c’est de connaître des techniques de l’infiniment grand à l’infiniment petit et d’aimer le sport.

Le sport pas pour l’exploit, juste pour comprendre et apprécier les hommes, et les aimer pour les amener à donner le meilleur de leurs connaissances. Ce ne fut pas mon grand succès auprès de mes patrons mais je n’en ai cure, j’ai fait sortir de terre des projets qui ne voulaient plus vivre parce qu’engoncés dans des préjugés allant à l’encontre des marchés.

Le marché, c’est ce qui nous fait vivre : c’est un fait. Inutile de le combattre, il faut l’apprivoiser au mieux de nos intérêts individuels et collectifs.

DCNS et Thalès est une somme de connaissances incommensurables, des hommes d’une grande capacité technique. Plus pragmatiques que les avionneurs et je pense à Dassault, réussissant le Falcon et ne terminant pas le projet Rafale…

La mixité des entreprises Etat-privé est le bien-fondé de la France, peut-être le résultat bien compris de l’école de la République. Car les hommes de Thalès comme de DCNS viennent de là. Une formation de haut niveau pour toutes les équipes : dirigeants, chefs de projets, techniciens et ouvriers : des hommes qualifiés.

Sur un tel marché, la concurrence est là, internationale, tous les pays se battent partout pour un tel budget ! Il faut de la réflexion à double détente : des études pragmatiques et novatrices pour remplir les fonctions définies par le client. Pour espérer le succès réaliser le projet au moindre coût. La cerise sur le gâteau ? La flexibilité du projet dans sa mise en place opérationnelle. Depuis des années à l’international le troc est d’actualité; en fait depuis l’antiquité, il n’a jamais cessé. Là il s’agissait de concevoir les projets en France, pour ne pas perdre le savoir-faire et l’améliorer, garder les secrets industriels et monter sur place en coopération avec les australiens. Comme quoi flexibilité n’est pas toujours précarité !

Quelles leçons tirer d’un tel succès ?

C’est que partout dans notre société française ceci pourrait se multiplier à l’international certainement avec le soutien (passif toujours) de l’Etat, s’il était plus conscient de ses devoirs. Un telle pratique pourrait se décliner encore au plan national, régional et local.

Le jour où Isia est née dans une ferme rénovée de Horgues dans les Hautes – Pyrénées, nous étions 3 pour l’amener sur les fonts baptismaux.  Une centaine de personnes ont vécu peu ou prou dessus pendant 30 ans. Si chaque village réalisait cela, le plein emploi ne serait pas loin…

Cela veut dire aussi que les gens que l’on a recruté dans les services sont des gens bien formés et boostés par les projets. Ils ont appris et progressé après leur entrée dans la société. L’entreprise doit former. C’est elle qui crée les besoins nouveaux par ses innovations techniques. Elle ne peut pas demander à l’Education Nationale de lui fournir les personnels dont elle a besoin sans y participer pour orienter et donner des projets aux stagiaires ; voire participer à la formation elle-même. L’industrie n’est ni de droite ni de gauche, elle apporte des métiers, donne du travail et produit de la valeur ajoutée. L’idéologie "anti-industrie" latente dans nos institutions, nous a fait perdre trop de temps et ternit notre aura au plan mondial.

Cela veut dire qu’il faut cesser de penser que les techniciens ne servent à rien. Sans des passionnés de la technique, le progrès ne suit pas la courbe de vie d’un pays. Que les professeurs chargés d’enseigner soient en place parce qu’ils l’ont décidé et non par défaut quand ils ont échoué dans leur projet initial. Qu’ils pensent à se recycler régulièrement et il sera temps d’ouvrir les écoles dont les programmes répondront enfin à des besoins du pays, offrant des débouchés aux jeunes gens qui les suivent.

Que les Universités se voient à l’entrée, sujette à sélection pour avoir de véritables formations qui servent à la Nation. Ce qui est le plus triste, c’est que la sélection est dirigée, mais masquée après une ou deux années. C’est déstabilisant pour les étudiants. De la sorte on crée des dépressifs chroniques...

Enfin que le gouvernement prenne ses responsabilités pour se servir du succès de toutes les sociétés qui gagnent à l’étranger pour réformer ce qui doit l’être pour leur faciliter l'action, au lieu de spolier ces mêmes sociétés puis dépenser inutilement l’argent durement gagné.

Voir les hommes politiques se ruer à la DCNS pour surfer sur la vague de la réussite en espérant en tirer des voix aux élections prochaines est tout à fait inconvenant. Pour tout dire, cette attitude déqualifie un peu plus hommes ceux qui se déplacent pour participer au succès mérité du seul groupe industriel.



Michel Prieu


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