Translate

A34 - Arêches-Beaufort : Cultures (10-01-18)

Bonjour,



Arêches est au calme, un peu sous les nuages. Il ne fait pas froid mais la neige est là et le tapis s’entretient. Il pleut en bas, il neige en haut avec le blizzard pour effacer les traces dans la Grande Combe où l’on retrouve la poudreuse.

Arêches c’est ma montagne comme je l’aime dans sa diversité. Le commerce bien sûr qui fait parler, les fermes et leur activité toujours en suspens quand il neige tant et le ski. Le ski en gestation et le sport tous azimuts.

Manifestement l’épicière de Casino a dit stop et cherche un repreneur. Compliqué de reprendre une petite affaire qui n’est pas extensible. Pour des jeunes (qui auraient envie de travailler) si les perspectives ne sont pas grandes ce sera compliqué pour investir. Pourtant il faut que ce magasin perdure sinon l’environnement sera perturbé, les touristes touchés.


Les fermes sont posées le long de la route et les granges un peu plus haut sur les pentes. Elles sont prospères même si la vie peut-être dure. Comment puis-je le supposer ? Comme quand je voyage, en regardant les voitures qui sont parquées, la manière dont les gens que je croise sont habillés et aux petits détails qui modifient un peu la maison, une peinture neuve, un appentis qui est venu s’ajouter…

Les fermes ainsi avec leur robustesse montrent que les résidents apprennent des gens qui viennent les visiter. Le village doit rester avenant. Je ne sais pas ce qu’est la vie touristique, je ne viens qu’en dehors des vacances. Le village vit à son rythme en prenant le temps. En prenant le temps de parler à la caisse de la régie pour prendre l’abonnement. Un sourire un mot gentil cela vous fait exister. Cela ne paraît rien mais vous sentez toujours que cela vous fait du bien.
 
Idem pour s’équiper et retrouver les chaussures qui vous allaient si bien l’an dernier, passer quelques minutes pour discuter du sport que vous aimez. Merci Thomas. Ce sport qui ce matin retrouve ses valeurs. Les jeunes coureurs en devenir du Lycée sont rentrés. Sus à la montagne, ski libre pendant que les pisteurs posent les piquets des portes pour s’entraîner. Professeurs ou moniteurs contraints de se gendarmer pour tenir un peu d’ordre même si c’est contesté. C’est la rentrée, quinze jours sans ce voir c’est long.

Ambiance dynamique et joyeuse force de la jeunesse qui fait plaisir à voir. Et toujours du sport au bord des pistes quand je vois monter les athlètes qui se préparent pour les courses de fond. Martin Fourcade fait des émules. Pour préparer la Pierra Menta, fleuron sportif de la Région, il faut pousser sur les jambes et tirer sur les bras. Je suis chaque fois admiratif de leur vitesse de montée. Beaux athlètes, dames et messieurs bien faits, longilignes au pas glissé en rythme plus qu’une foulée. Ils ont l’air faciles et donnent envie de les imiter.

A Wanaka en Nouvelle Zélande la culture du ski, ce n’est pas comme cela. Wanaka est au bord du lac avec tous les magasins pour venir s’équiper. Vous mettez tout dans votre voiture et vous montez quinze kilomètres plus haut pour prendre les remontées. Beaucoup de japonais sont là pour ça, personnellement ce concept ne me convient pas. Wanaka restera la rencontre avec Tracey et Tim puis la pêche à la truite dans la rivière qui déboule furieusement.

Arêches a un temps différent de celui de la plaine et de Lyon particulièrement. Je le vois à la manière minutieuse dont les bois de cheminée sont taillés et rangés. Impossible de bâcler un travail comme celui-là. Vous sentez que celui qui a fait cet arrangement a de l’amour plein son cœur en plus d’être rudement adroit. Rangés le long des murs exposés, les piles offrent un rempart contre le froid du vent. Devant une fenêtre cela fait aussi un bel encadrement. Quand je marche il y a toujours un détail qui montre que celui qui habite dans ce coin réfléchit pour assoir son confort.

Le bois des chalets est toujours travaillé. Celui des plus anciens est certes patiné mais celui de neufs est volontairement ouvragé. Il y en a toujours un de nouveau dans la montée. Ici pas de grillage pour limiter les propriétés, un enfant ou un parent vient de s’installer, pas loin du cœur de la famille pour maintenir la tradition en plus de la lignée. Moins facile de remarquer cela dès que l’on est en ville. Apprendre la vie à la campagne est une vraie chance.

De mon Nid D’aigle je peux prendre le temps de rêver. Ce petit carré douillet permet d’être concentré sur ce que l’on fait. Hier j’ai skié plus vite que la veille, j’avais les muscles un peu plus adaptés. Même si j’étais bien préparé avec le vtt, la veille j’avais les jambes en bois après deux heures à astiquer les pistes. En rentrant je me disais que ce serait bien s’il se mettait bientôt à neiger en pleine journée comme l’an dernier. Je l’attends maintenant. Je vais y penser pour provoquer les nuages, à l’ancienne pour bien préparer la venue des enfants. La vie de la ville ne m’a pas fait perdre ce que j’avais observé de la vie des paysans…

Recherche des nuages qui m’a ramené une fois en Nouvelle Zélande où les Maoris implorent aussi le ciel pour faire venir le temps qui enveloppent leur vie. Cela est apparu dans les villages anciens toujours habités par les maoris. Ils ont su comme ici malgré le temps et l’évolution qu’il amène, garder les principes de lien avec leurs traditions et  l’environnement. Ils utilisent la nature pour y greffer leur vie. Et cela rend les gens différents faciles à aborder à mon grand étonnement.


C’est ainsi que j’ai pu entrer dans les clubs de rugby, juste en me présentant. Pas besoin d’expliquer longtemps que j’étais français, mon accent anglais doit facilement le prouver. C’est ainsi que l’on a pu sentir comment l’esprit maori influence la vie Néozélandaise. Le sport est au cœur de la vie de tout le pays. Cela commence très tôt à l’école. Contrairement à ce que l’on croit, le rugby identifie le pays aux yeux du monde mais les enfants n’y jouent pas directement. C’est avec le temps ou selon les parents.  Ils pratiquent bien d’autres sports avant de choisir leur voie. C’est la culture du pays entier depuis leur arrivée il y a mille ans. Nous ne l’imaginons pas vraiment en regardant le haka encore aujourd’hui. Ce n’est un rassemblement folklorique de début de match. Le respect des anciens, l’appel aux forces de lumière, c’est culturel un des fondements de la vie maorie. Elle fait le lien entre le présent et le passé pour préparer le futur afin qu’il soit meilleur.

Ce temps d’incantation calme et guerrière vient des origines des peuples du pacifique. Il peut surgir à tout moment dans une réunion. C’est un hommage instantané qui ramène les esprits anciens au présent. Cela se comprend quand on voit le chemin qu’ils ont dû parcourir pour venir débarquer sur les côtes des îles. Sur leurs embarcations pour suivre les étoiles ils ont certainement fait appel aux dieux pour les aider à avancer et trouver leur chemin. Vous remarquerez qu’à la fin d’un match, beaucoup de joueurs s’agenouillent et prient. La vie religieuse est importante en Nouvelle Zélande.


Les lieux de culte sont multiples et ouverts. La spiritualité a aussi droit de cité. Notez bien la différence, la vie spirituelle se voit partout. Les gens travaillent et sont organisés pour garder un temps pour eux. Quelle que soit leur position dans la hiérarchie sociale. C’est assez savoureux quand on voit ce qui se passe dans notre pays. Paradoxe d’avoir des gens surbookés, pendant que d’autres chôment et que des tas de postes ne sont pas remplis par manque de compétences.

Ce que l’on sent en Nouvelle Zélande c’est la notion d’après. Après le sport ou le jeu, surtout après l’adolescence, les jeunes gens doivent tout faire pour avoir un métier. Dans tous les clubs de rugby que j’ai visité le leitmotiv est : faire des jeunes gens d’abord des hommes avant des joueurs. Cela exacerbe la valeur du travail sans le dire vraiment. Un tour de passe-passe dont les Néozélandais eux-mêmes ne sont pas conscients. Je trouve cela marrant. Quand je le leur ai fait remarquer, ils semblaient tomber des nues. Ils disent même aller chercher ailleurs plus de rigueur, alors que ce système existe déjà chez eux, les All Blacks sont ce témoin.




Où cette culture de l’après est le plus frappante c’est chez les professionnels du rugby. Leur semaine de préparation est rythmée mais pas spécifiquement pour l’entraînement. Les séances sont très organisées mais les joueurs sont responsables directement de la manière de les occuper. En fait, ils jonglent avec leurs possibilités de pouvoir se former pour l’après. Universités et académies, cours particuliers, tout est ouvert. Internet est utilisé plus pour se former que pour jouer. Nous sommes en pays anglo-saxon et la télé est insipide, encore plus que chez nous en France. Internet est un outil de formation en plus des cours du soir.

Pour leur préparation les joueurs ont aussi recours à la spiritualité. Beaucoup d’entre eux sont adeptes de la méditation, rompus aux techniques de psychologie énergétique. Ils ont des préparateurs mentaux, ils font du développent personnel pour briser les limites personnelles que chacun se crée toujours. Pour jouer au rugby et être performant en Nouvelle Zélande même au niveau local très élevé, il faut se préparer par un travail  complet afin de répondre présent quand on est appelé.

C’est une culture adaptée à son temps. J’ai parlé de ces deux sensations culturelles du temps parce que je trouve que c’est le moment de le prendre pour réfléchir à notre devenir. J’ai été touché par la culture qui baigne, que l’on sent en Nouvelle Zélande (mais aussi à Séoul ou Hong Kong si différentes) et la vie d’Arêches. Le temps est important et il semble que l’on coure après partout ailleurs. Rien que d’y penser nous sommes déjà en retard.


Nous nous laissons phagocyter par des croyances qui ne nous appartiennent pas, inoculées depuis notre enfance ou encore les médias et surtout le marketing intense des industriels qui mènent le monde puisque ce sont les mêmes. Je suis entouré de jeunes gens qui ont des jobs dans lesquels ils ne se plaisent plus. Ils ont décidé d’en changer sans être assurés de trouver la prospérité dont ils rêvaient plus jeunes. Mais après une première expérience d’employé même fructueuse pour les plus diplômés, ils ne veulent plus en entendre parler.

Ils ont décidé de se poser, de prendre le temps de se réorienter. Tous les âges sont représentés avec ou sans projets. Selon leur caractère ils viennent se préparer à changer ce qui ne leur convient plus dans leur vie. Ils veulent vivre en faisant ce qu’ils aiment. Je ne peux que les encourager, c’est tout ce que j’ai fait pour vous parler en ce moment. On ne peut bien faire que ce que l’on aime. C’est ce que je vois ici en me promenant ou en regardant les enfants avec leurs moniteurs de ski. Je me dis que ce sont peut-être les mêmes qui ont arrangé le bois autour des fenêtres des chalets.
 
J’ai un autre livre en préparation qui traite de l’éducation. J’y montre que si j’ai profité comme personne de l’éducation de la République pour suivre mon chemin et que j’ai voulu une carrière initiale de fonctionnaire ce ne peut plus être le cas pour de jeunes gens d’aujourd’hui. Ils doivent acquérir directement une conscience d’entrepreneur. Le « métier d’employé » va disparaître. Il va falloir apporter ici mais aussi dans le monde entier les compétences attendues sur place et prendre le temps en permanence de les actualiser sans jamais s’arrêter.

Changement de culture, époque de transition qui appelle un autre mode d’éducation. Nous ne pouvons plus préparer les enfants comme je l’ai été. Même si l’école a changé(un peu), elle n’est pas encore assez agile pour réparer les dégâts que nous avons engendrés. Laisser perdre une valeur comme le travail, n’avoir pas su s’adapter à l’évolution du monde est une réalité.

Quand je vois les chalets se transformer, je sais que tout n’est pas perdu mais qu’il est temps de relever les manches et de travailler pour préparer mieux les enfants à ne pas se contenter de la facilité.



A suivre…



Michel Prieu


Ps :

J’ai écrit cette page ce matin avant d’aller skier. Si vous ne croyez pas à la synchronicité, c’est dommage car elle existe :

-       Il neige à flocons serrés sous ma fenêtre
-   Le Ministre de l’Education Nationale met en place son conseil scientifique pluridisciplinaire avec des neuropsychologues...
-  Plusieurs nouveaux médias s’ouvrent parce que les chaînes nationales sont polluées par les magnats de l’industrie….


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire