Bonjour,
Arêches est au calme, un peu sous les
nuages. Il ne fait pas froid mais la neige est là et le tapis s’entretient. Il
pleut en bas, il neige en haut avec le blizzard pour effacer les traces dans la
Grande Combe où l’on retrouve la poudreuse.
Arêches c’est ma montagne comme je l’aime
dans sa diversité. Le commerce bien sûr qui fait parler, les fermes et leur
activité toujours en suspens quand il neige tant et le ski. Le ski en gestation
et le sport tous azimuts.
Manifestement l’épicière de Casino a dit
stop et cherche un repreneur. Compliqué de reprendre une petite affaire qui
n’est pas extensible. Pour des jeunes (qui auraient envie de travailler) si les
perspectives ne sont pas grandes ce sera compliqué pour investir. Pourtant il
faut que ce magasin perdure sinon l’environnement sera perturbé, les touristes
touchés.
Les fermes sont posées le long de la route
et les granges un peu plus haut sur les pentes. Elles sont prospères même si la
vie peut-être dure. Comment puis-je le supposer ? Comme quand je voyage,
en regardant les voitures qui sont parquées, la manière dont les gens que je
croise sont habillés et aux petits détails qui modifient un peu la maison, une
peinture neuve, un appentis qui est venu s’ajouter…
Les fermes ainsi avec leur robustesse
montrent que les résidents apprennent des gens qui viennent les visiter. Le
village doit rester avenant. Je ne sais pas ce qu’est la vie touristique, je ne
viens qu’en dehors des vacances. Le village vit à son rythme en prenant le
temps. En prenant le temps de parler à la caisse de la régie pour prendre l’abonnement.
Un sourire un mot gentil cela vous fait exister. Cela ne paraît rien mais vous
sentez toujours que cela vous fait du bien.
Idem pour s’équiper et retrouver les
chaussures qui vous allaient si bien l’an dernier, passer quelques minutes pour
discuter du sport que vous aimez. Merci Thomas. Ce sport qui ce matin retrouve
ses valeurs. Les jeunes coureurs en devenir du Lycée sont rentrés. Sus à la
montagne, ski libre pendant que les pisteurs posent les piquets des portes pour
s’entraîner. Professeurs ou moniteurs contraints de se gendarmer pour tenir un
peu d’ordre même si c’est contesté. C’est la rentrée, quinze jours sans ce voir
c’est long.
Ambiance dynamique et joyeuse force de la
jeunesse qui fait plaisir à voir. Et toujours du sport au bord des pistes quand
je vois monter les athlètes qui se préparent pour les courses de fond. Martin
Fourcade fait des émules. Pour préparer la Pierra Menta, fleuron sportif de la
Région, il faut pousser sur les jambes et tirer sur les bras. Je suis chaque
fois admiratif de leur vitesse de montée. Beaux athlètes, dames et messieurs
bien faits, longilignes au pas glissé en rythme plus qu’une foulée. Ils ont
l’air faciles et donnent envie de les imiter.
A Wanaka en Nouvelle Zélande la culture du
ski, ce n’est pas comme cela. Wanaka est au bord du lac avec tous les magasins
pour venir s’équiper. Vous mettez tout dans votre voiture et vous montez quinze
kilomètres plus haut pour prendre les remontées. Beaucoup de japonais sont là
pour ça, personnellement ce concept ne me convient pas. Wanaka restera la
rencontre avec Tracey et Tim puis la pêche à la truite dans la rivière qui
déboule furieusement.
Arêches a un temps différent de celui de la
plaine et de Lyon particulièrement. Je le vois à la manière minutieuse dont les
bois de cheminée sont taillés et rangés. Impossible de bâcler un travail comme celui-là.
Vous sentez que celui qui a fait cet arrangement a de l’amour plein son cœur en
plus d’être rudement adroit. Rangés le long des murs exposés, les piles offrent
un rempart contre le froid du vent. Devant une fenêtre cela fait aussi un bel
encadrement. Quand je marche il y a toujours un détail qui montre que celui qui
habite dans ce coin réfléchit pour assoir son confort.
Le bois des chalets est toujours travaillé.
Celui des plus anciens est certes patiné mais celui de neufs est volontairement
ouvragé. Il y en a toujours un de nouveau dans la montée. Ici pas de grillage
pour limiter les propriétés, un enfant ou un parent vient de s’installer, pas
loin du cœur de la famille pour maintenir la tradition en plus de la lignée. Moins
facile de remarquer cela dès que l’on est en ville. Apprendre la vie à la
campagne est une vraie chance.
De mon Nid D’aigle je peux prendre le temps
de rêver. Ce petit carré douillet permet d’être concentré sur ce que l’on fait.
Hier j’ai skié plus vite que la veille, j’avais les muscles un peu plus
adaptés. Même si j’étais bien préparé avec le vtt, la veille j’avais les jambes
en bois après deux heures à astiquer les pistes. En rentrant je me disais que
ce serait bien s’il se mettait bientôt à neiger en pleine journée comme l’an
dernier. Je l’attends maintenant. Je vais y penser pour provoquer les nuages, à
l’ancienne pour bien préparer la venue des enfants. La vie de la ville ne m’a
pas fait perdre ce que j’avais observé de la vie des paysans…
Recherche des nuages qui m’a ramené une
fois en Nouvelle Zélande où les Maoris implorent aussi le ciel pour faire venir
le temps qui enveloppent leur vie. Cela est apparu dans les villages anciens
toujours habités par les maoris. Ils ont su comme ici malgré le temps et
l’évolution qu’il amène, garder les principes de lien avec leurs traditions et l’environnement. Ils utilisent la nature pour
y greffer leur vie. Et cela rend les gens différents faciles à aborder à mon
grand étonnement.
C’est ainsi que j’ai pu entrer dans les
clubs de rugby, juste en me présentant. Pas besoin d’expliquer longtemps que
j’étais français, mon accent anglais doit facilement le prouver. C’est ainsi
que l’on a pu sentir comment l’esprit maori influence la vie Néozélandaise. Le
sport est au cœur de la vie de tout le pays. Cela commence très tôt à l’école.
Contrairement à ce que l’on croit, le rugby identifie le pays aux yeux du monde
mais les enfants n’y jouent pas directement. C’est avec le temps ou selon les
parents. Ils pratiquent bien d’autres
sports avant de choisir leur voie. C’est la culture du pays entier depuis leur arrivée
il y a mille ans. Nous ne l’imaginons pas vraiment en regardant le haka encore
aujourd’hui. Ce n’est un rassemblement folklorique de début de match. Le
respect des anciens, l’appel aux forces de lumière, c’est culturel un des
fondements de la vie maorie. Elle fait le lien entre le présent et le passé
pour préparer le futur afin qu’il soit meilleur.
Ce temps d’incantation calme et guerrière
vient des origines des peuples du pacifique. Il peut surgir à tout moment dans
une réunion. C’est un hommage instantané qui ramène les esprits anciens au
présent. Cela se comprend quand on voit le chemin qu’ils ont dû parcourir pour
venir débarquer sur les côtes des îles. Sur leurs embarcations pour suivre les
étoiles ils ont certainement fait appel aux dieux pour les aider à avancer et
trouver leur chemin. Vous remarquerez qu’à la fin d’un match, beaucoup de
joueurs s’agenouillent et prient. La vie religieuse est importante en Nouvelle
Zélande.
Les lieux de culte sont multiples et
ouverts. La spiritualité a aussi droit de cité. Notez bien la différence, la
vie spirituelle se voit partout. Les gens travaillent et sont organisés pour
garder un temps pour eux. Quelle que soit leur position dans la hiérarchie
sociale. C’est assez savoureux quand on voit ce qui se passe dans notre pays.
Paradoxe d’avoir des gens surbookés, pendant que d’autres chôment et que des
tas de postes ne sont pas remplis par manque de compétences.
Ce que l’on sent en Nouvelle Zélande c’est
la notion d’après. Après le sport ou le jeu, surtout après l’adolescence, les jeunes
gens doivent tout faire pour avoir un métier. Dans tous les clubs de rugby que
j’ai visité le leitmotiv est : faire des jeunes gens d’abord des hommes
avant des joueurs. Cela exacerbe la valeur du travail sans le dire vraiment. Un
tour de passe-passe dont les Néozélandais eux-mêmes ne sont pas conscients. Je
trouve cela marrant. Quand je le leur ai fait remarquer, ils semblaient tomber
des nues. Ils disent même aller chercher ailleurs plus de rigueur, alors que ce
système existe déjà chez eux, les All Blacks sont ce témoin.
Où cette culture de l’après est le plus frappante
c’est chez les professionnels du rugby. Leur semaine de préparation est rythmée
mais pas spécifiquement pour l’entraînement. Les séances sont très organisées
mais les joueurs sont responsables directement de la manière de les occuper. En
fait, ils jonglent avec leurs possibilités de pouvoir se former pour l’après.
Universités et académies, cours particuliers, tout est ouvert. Internet est
utilisé plus pour se former que pour jouer. Nous sommes en pays anglo-saxon et
la télé est insipide, encore plus que chez nous en France. Internet est un
outil de formation en plus des cours du soir.
Pour leur préparation les joueurs ont aussi
recours à la spiritualité. Beaucoup d’entre eux sont adeptes de la méditation, rompus
aux techniques de psychologie énergétique. Ils ont des préparateurs mentaux,
ils font du développent personnel pour briser les limites personnelles que chacun
se crée toujours. Pour jouer au rugby et être performant en Nouvelle Zélande
même au niveau local très élevé, il faut se préparer par un travail complet afin de répondre présent quand on est
appelé.
C’est une culture adaptée à son temps. J’ai
parlé de ces deux sensations culturelles du temps parce que je trouve que c’est
le moment de le prendre pour réfléchir à notre devenir. J’ai été touché par la
culture qui baigne, que l’on sent en Nouvelle Zélande (mais aussi à Séoul ou
Hong Kong si différentes) et la vie d’Arêches. Le temps est important et il
semble que l’on coure après partout ailleurs. Rien que d’y penser nous sommes déjà
en retard.
Nous nous laissons phagocyter par des croyances
qui ne nous appartiennent pas, inoculées depuis notre enfance ou encore les
médias et surtout le marketing intense des industriels qui mènent le monde
puisque ce sont les mêmes. Je suis entouré de jeunes gens qui ont des jobs dans
lesquels ils ne se plaisent plus. Ils ont décidé d’en changer sans être assurés
de trouver la prospérité dont ils rêvaient plus jeunes. Mais après une première
expérience d’employé même fructueuse pour les plus diplômés, ils ne veulent
plus en entendre parler.
Ils ont décidé de se poser, de prendre le temps
de se réorienter. Tous les âges sont représentés avec ou sans projets. Selon
leur caractère ils viennent se préparer à changer ce qui ne leur convient plus
dans leur vie. Ils veulent vivre en faisant ce qu’ils aiment. Je ne peux que
les encourager, c’est tout ce que j’ai fait pour vous parler en ce moment. On
ne peut bien faire que ce que l’on aime. C’est ce que je vois ici en me
promenant ou en regardant les enfants avec leurs moniteurs de ski. Je me dis
que ce sont peut-être les mêmes qui ont arrangé le bois autour des fenêtres des
chalets.
J’ai un autre livre en préparation qui
traite de l’éducation. J’y montre que si j’ai profité comme personne de
l’éducation de la République pour suivre mon chemin et que j’ai voulu une
carrière initiale de fonctionnaire ce ne peut plus être le cas pour de jeunes
gens d’aujourd’hui. Ils doivent acquérir directement une conscience
d’entrepreneur. Le « métier d’employé » va disparaître. Il va falloir
apporter ici mais aussi dans le monde entier les compétences attendues sur
place et prendre le temps en permanence de les actualiser sans jamais s’arrêter.
Changement de culture, époque de transition
qui appelle un autre mode d’éducation. Nous ne pouvons plus préparer les
enfants comme je l’ai été. Même si l’école a changé(un peu), elle n’est pas
encore assez agile pour réparer les dégâts que nous avons engendrés. Laisser
perdre une valeur comme le travail, n’avoir pas su s’adapter à l’évolution du
monde est une réalité.
Quand je vois les chalets se transformer,
je sais que tout n’est pas perdu mais qu’il est temps de relever les manches et
de travailler pour préparer mieux les enfants à ne pas se contenter de la
facilité.
A suivre…
Michel
Prieu
Ps :
J’ai écrit cette page ce matin avant d’aller
skier. Si vous ne croyez pas à la synchronicité, c’est dommage car elle existe :
- Il neige à flocons serrés sous ma fenêtre
- Le Ministre de l’Education Nationale met en
place son conseil scientifique pluridisciplinaire avec des neuropsychologues...
- Plusieurs nouveaux médias s’ouvrent parce
que les chaînes nationales sont polluées par les magnats de l’industrie….
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