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B7 - Rugby professionnel (30-5-16)

La fin de la saison est là, les échéances approchent, les condamnations sont tombées sportives et administratives.

De grands noms du rugby d’aujourd’hui vont arrêter de jouer, d’autres partir sur un nouveau contrat. Le contrat, c’est avec cela que l’on devient professionnel. Des villes vont perdre leur publicité pour avoir oublié de consolider une aventure avec ses hommes clés. Bourgoin, Biarritz, Narbonne de petites cités où à aucun moment sans aide importante, on ne peut exister dans le rugby d’aujourd’hui. C’est pareil pour Tarbes et j’en suis meurtri après une si longue agonie.

Pour les joueurs qui veulent progresser, il faut aller prendre l’air d’une nouvelle société. Si vous êtes couvreur ou informaticien, si vous voulez progresser, « ne plus faire partie des meubles », il faut vous en aller de la même manière. Jusqu’au moment où vous choisirez vous-mêmes votre patron, parce que vous aurez trouvé votre équilibre professionnel.

Trinh-duc doit partir de Montpellier, avec Smith, il ne sait plus jouer. Il doit trouver une voie qui lui permette de se retrouver au niveau où il peut mieux peser sur un match.

Pour certains joueurs, c’est dur d’arrêter, ils sentent qu’ils ont du jus encore et veulent le donner lors d’un nouveau challenge, quelque chose de nouveau, qui le préparera peut-être à sa reconversion. Novès est parti de Toulouse, son gendre fait pareil, c’est assez naturel.

Officiellement le rugby professionnel est né en 1995, création de l’IRB qui autorisait à payer les joueurs. Il y a belle lurette que cela se faisait, à la bonne franquette comme il se devait. Même moi j’en ai bénéficié et Dieu sait qu’à ce jeu, je valais moins que rien. Mais j’avais appris toute la philosophie amateur que traîne le rugby. Ce sport vous construit un homme (et aujourd’hui une femme) bien mieux qu’à l’école même de la République.

Ce sport à des valeurs que les gens reconnaissent mais que ne peut toujours honorer un vrai professionnel. C’est là que naît la polémique chez les français, preuve encore une fois, que l’on veut tout et son contraire à la fois. Où est la responsabilité d’un entraîneur ? C’est avant tout de gagner. D’ailleurs quand il ne le fait pas, il est viré. Smith, Sud -Africain bien né sait cela depuis longtemps. On pourra toujours discuter de la manière de gagner mais où le Racing a perdu, Montpellier a gagné. Car il y a une manière de gagner, elle s’apprend. Jacquet le savait et avant, on l’a conspué. Certains éditorialistes en ont tant fait, que depuis 1998, chaque jour je ne paie plus le prix de mon journal favori. Les deux Laurent ont encore des progrès à faire, ils sont bons, mais pas les meilleurs. (J’écris cela se matin avec la joie au cœur, Zidane aussi sait ce que c’est que gagner. Une fois de plus il l’a montré.)

En France quelque chose qui gagne c’est suspect, je dirai presque que ce n’est pas professionnel. Pour certains d’entre nous, c’est le fric qui fait cela et ils n’aiment pas. Pour d’autres, c’est le jeu qui ne va pas, le panache nous manque. C’est quoi alors être professionnel en rugby, c’est gagner les matches, jouer, gagner de l’argent pour se renouveler. Se renouveler, c’est cela qui est le plus dur, car c’est une stratégie et on ne peut la demander à des joueurs, ce n’est pas leur métier.

Alors la polémique pour les hommages à Pierre, Paul ou Jacques ce n’est pas le moment du sprint final où il faut se placer qu’il faut en parler. Car pour gagner, tous les détails comptent. Ce n’est pas un slogan de façade, c’est une vérité ; mieux vaut s’y accrocher. En fait même professionnel, le rugby n’a pas changé ses valeurs. Car le jeu est le même sauf que mieux préparés, les joueurs vont plus vite, le temps de jeu est plus long…Pour gagner il faut faire une équipe et là au lieu de faire la « République des copains » chère au rugby d’un autre temps, il faut faire avec l’esprit de l’entreprise. Pour chacun lui montrer son attachement : la responsabilité individuelle fait l’esprit d’entreprise. Un mot particulier vient d’être lâché : responsabilité. C’est ça être professionnel.

Avez-vous remarqué ? Les présidents entrepreneurs sont à la tête du championnat. Est-ce une erreur ? Je ne crois pas, le rugby d’aujourd’hui craint les amateurs.

M. Lorenzetti quand son Racing reviendra en finale dira à ses joueurs de ne rien changer de ce qui les a amenés jusque-là : jouer dans le but de gagner. Peut-être pour le savoir, il faut un jour avoir perdu. On ne gagne rien à tout gagner. Pour aller plus haut, il faut un jour être tombé. On apprend plus de l’échec que du succès.

Sur ce point, M. Boudjellal a donné cette année. Laporte, maintenant que son projet est lancé, pourra revenir un court temps aux affaires et secouer ses joueurs comme il sait si bien le faire. Tout n’est pas perdu, il reste le bouclier à gagner.

Montpellier est là. Smith ne faiblira pas, Trinh-duc est prêt pour partir. L’hommage que lui veulent ses supporteurs est logique, il l’aura mais d’une autre façon. Faire un passe-droit ce n’est pas professionnel ; où que ce soit ! Il avait une proposition, il l’a refusée, M. Altrad connaît son métier. A Trinh-duc d’assumer son choix et aux supporters de ne pas juger. Leur ville par le sport est connue dans bien des pays, bien plus que par les bétonnières.

Le Stade Toulousain a été professionnel au moment où les autres étaient encore amateurs. Merci M. Novès. Le club semble un peu amateur au moment où les autres deviennent plus professionnels. Un rééquilibrage sans doute à opérer, mais attention un staff à remanier. Clermont est particulier, il flambe par intermittence et a tendance à se coucher près de l’arrivée ; un peu de fraîcheur et la hargne de Cotter à retrouver. Pas un seul détail ne doit manquer, la ville fait bloc autour de son équipe, les autres villes pourraient s’en inspirer au plan professionnel.

Alors Imanol va s’en aller. Un grand monsieur par la taille, le talent et aussi par son travail. Je ne suis pas sûr qu’il aime le rugby d’aujourd’hui ; si celui-ci l’a nourri ce n’est pas ce que retient son esprit. Celui qu’il a appris quand il était petit a vécu mais quoiqu’il en dise n’a pas disparu. Je suis ici à Darwin (Australie) et hier j’ai suivi toute la journée le super rugby d’ici. J’ai vu de beaux matches, de l’engagement, du soutien et aussi de… l’évitement.  Moins de rentre dedans.

Alors en professionnel qu’il se veut, notre rugby doit encore évoluer et les supporters devraient s’adapter à cette mentalité qui est de travailler. Derrière tout ce bruit, les joueurs qui s’épanchent dans les médias ne le devraient pas. Si un ingénieur ou cadre d’une autre société faisait cela, il serait viré dans l’instant par son président.

Le championnat de France de rugby vient de commencer. Les 6 vont être connus, autant dire les dés sont jetés. Enfin on va vibrer, peut-être se régaler. On peut en tout cas l’espérer. Le rugby professionnel n’empêche pas cela, même ici on n’est assuré de rien, ni du temps qu’il fera, ni si l’arbitre ne se trompera pas. Mais lui aussi aujourd’hui est professionnel. C’est l’évolution, ne la rejetons pas.


Michel Prieu

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