La fin de la saison est
là, les échéances approchent, les condamnations sont tombées sportives et
administratives.
De grands noms du rugby
d’aujourd’hui vont arrêter de jouer, d’autres partir sur un nouveau contrat. Le
contrat, c’est avec cela que l’on devient professionnel. Des villes vont perdre
leur publicité pour avoir oublié de consolider une aventure avec ses hommes
clés. Bourgoin, Biarritz, Narbonne de petites cités où à aucun moment sans aide
importante, on ne peut exister dans le rugby d’aujourd’hui. C’est pareil pour
Tarbes et j’en suis meurtri après une si longue agonie.
Pour les joueurs qui
veulent progresser, il faut aller prendre l’air d’une nouvelle société. Si vous
êtes couvreur ou informaticien, si vous voulez progresser, « ne plus faire
partie des meubles », il faut vous en aller de la même manière. Jusqu’au
moment où vous choisirez vous-mêmes votre patron, parce que vous aurez trouvé
votre équilibre professionnel.
Trinh-duc doit partir de
Montpellier, avec Smith, il ne sait plus jouer. Il doit trouver une voie qui
lui permette de se retrouver au niveau où il peut mieux peser sur un match.
Pour certains joueurs,
c’est dur d’arrêter, ils sentent qu’ils ont du jus encore et veulent le donner
lors d’un nouveau challenge, quelque chose de nouveau, qui le préparera
peut-être à sa reconversion. Novès est parti de Toulouse, son gendre fait
pareil, c’est assez naturel.
Officiellement le rugby
professionnel est né en 1995, création de l’IRB qui autorisait à payer les
joueurs. Il y a belle lurette que cela se faisait, à la bonne franquette comme
il se devait. Même moi j’en ai bénéficié et Dieu sait qu’à ce jeu, je valais
moins que rien. Mais j’avais appris toute la philosophie amateur que traîne le
rugby. Ce sport vous construit un homme (et aujourd’hui une femme) bien mieux
qu’à l’école même de la République.
Ce sport à des valeurs
que les gens reconnaissent mais que ne peut toujours honorer un vrai
professionnel. C’est là que naît la polémique chez les français, preuve encore
une fois, que l’on veut tout et son contraire à la fois. Où est la
responsabilité d’un entraîneur ? C’est avant tout de gagner. D’ailleurs
quand il ne le fait pas, il est viré. Smith, Sud -Africain bien né sait cela
depuis longtemps. On pourra toujours discuter de la manière de gagner mais où
le Racing a perdu, Montpellier a gagné. Car il y a une manière de gagner, elle
s’apprend. Jacquet le savait et avant, on l’a conspué. Certains éditorialistes
en ont tant fait, que depuis 1998, chaque jour je ne paie plus le prix de mon
journal favori. Les deux Laurent ont encore des progrès à faire, ils sont bons,
mais pas les meilleurs. (J’écris cela se matin avec la joie au cœur, Zidane
aussi sait ce que c’est que gagner. Une fois de plus il l’a montré.)
En France quelque chose
qui gagne c’est suspect, je dirai presque que ce n’est pas professionnel. Pour
certains d’entre nous, c’est le fric qui fait cela et ils n’aiment pas. Pour
d’autres, c’est le jeu qui ne va pas, le panache nous manque. C’est quoi alors
être professionnel en rugby, c’est gagner les matches, jouer, gagner de
l’argent pour se renouveler. Se renouveler, c’est cela qui est le plus dur, car
c’est une stratégie et on ne peut la demander à des joueurs, ce n’est pas leur
métier.
Alors la polémique pour
les hommages à Pierre, Paul ou Jacques ce n’est pas le moment du sprint final
où il faut se placer qu’il faut en parler. Car pour gagner, tous les détails
comptent. Ce n’est pas un slogan de façade, c’est une vérité ; mieux vaut
s’y accrocher. En fait même professionnel, le rugby n’a pas changé ses valeurs.
Car le jeu est le même sauf que mieux préparés, les joueurs vont plus vite, le
temps de jeu est plus long…Pour gagner il faut faire une équipe et là au lieu
de faire la « République des copains » chère au rugby d’un autre
temps, il faut faire avec l’esprit de l’entreprise. Pour chacun lui montrer son
attachement : la responsabilité individuelle fait l’esprit d’entreprise.
Un mot particulier vient d’être lâché : responsabilité. C’est ça être
professionnel.
Avez-vous remarqué ?
Les présidents entrepreneurs sont à la tête du championnat. Est-ce une
erreur ? Je ne crois pas, le rugby d’aujourd’hui craint les amateurs.
M. Lorenzetti quand son
Racing reviendra en finale dira à ses joueurs de ne rien changer de ce qui les
a amenés jusque-là : jouer dans le but de gagner. Peut-être pour le
savoir, il faut un jour avoir perdu. On ne gagne rien à tout gagner. Pour aller
plus haut, il faut un jour être tombé. On apprend plus de l’échec que du
succès.
Sur ce point, M.
Boudjellal a donné cette année. Laporte, maintenant que son projet est lancé,
pourra revenir un court temps aux affaires et secouer ses joueurs comme il sait
si bien le faire. Tout n’est pas perdu, il reste le bouclier à gagner.
Montpellier est là. Smith
ne faiblira pas, Trinh-duc est prêt pour partir. L’hommage que lui veulent ses
supporteurs est logique, il l’aura mais d’une autre façon. Faire un passe-droit
ce n’est pas professionnel ; où que ce soit ! Il avait une
proposition, il l’a refusée, M. Altrad connaît son métier. A Trinh-duc
d’assumer son choix et aux supporters de ne pas juger. Leur ville par le sport
est connue dans bien des pays, bien plus que par les bétonnières.
Le Stade Toulousain a été
professionnel au moment où les autres étaient encore amateurs. Merci M. Novès.
Le club semble un peu amateur au moment où les autres deviennent plus
professionnels. Un rééquilibrage sans doute à opérer, mais attention un staff à
remanier. Clermont est particulier, il flambe par intermittence et a tendance à
se coucher près de l’arrivée ; un peu de fraîcheur et la hargne de Cotter
à retrouver. Pas un seul détail ne doit manquer, la ville fait bloc autour de
son équipe, les autres villes pourraient s’en inspirer au plan professionnel.
Alors Imanol va s’en
aller. Un grand monsieur par la taille, le talent et aussi par son travail. Je
ne suis pas sûr qu’il aime le rugby d’aujourd’hui ; si celui-ci l’a nourri
ce n’est pas ce que retient son esprit. Celui qu’il a appris quand il était
petit a vécu mais quoiqu’il en dise n’a pas disparu. Je suis ici à Darwin
(Australie) et hier j’ai suivi toute la journée le super rugby d’ici. J’ai vu
de beaux matches, de l’engagement, du soutien et aussi de… l’évitement. Moins de rentre dedans.
Alors en professionnel
qu’il se veut, notre rugby doit encore évoluer et les supporters devraient
s’adapter à cette mentalité qui est de travailler. Derrière tout ce bruit, les
joueurs qui s’épanchent dans les médias ne le devraient pas. Si un ingénieur ou
cadre d’une autre société faisait cela, il serait viré dans l’instant par son
président.
Le championnat de France
de rugby vient de commencer. Les 6 vont être connus, autant dire les dés sont
jetés. Enfin on va vibrer, peut-être se régaler. On peut en tout cas l’espérer.
Le rugby professionnel n’empêche pas cela, même ici on n’est assuré de rien, ni
du temps qu’il fera, ni si l’arbitre ne se trompera pas. Mais lui aussi
aujourd’hui est professionnel. C’est l’évolution, ne la rejetons pas.
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