Je viens à peine de sécher mes
larmes de joie devant la télévision. Les Jeux Olympiques sont extraordinaires
et dépassent tous les championnats du monde. La magie de l’Histoire sans doute qui
nous vient des jeux du cirque de l’antiquité. Marathon fait encore des ondes...
Je ne les regarde pas comme les
autres fois mais je suis attentif aux belles histoires. J’ai oublié les Russes
qui sont en colère, j’ai oublié que l’organisation des jeux au Brésil est une
erreur, les contrôles n’y sont pas corrects et la justice sportive n’y est
toujours pas à l’honneur….
Ce matin, je veux revenir sur la
performance de deux athlètes, Christophe Lemaître et Kevin Meyer. Deux français
qui assurent, deux français qui montrent que la loi de l’intention ou la loi de l’attraction,
n’est pas faite que pour les américains.
Je ne sais pas tout de ces jeunes
gens, mais je suis heureux de les voir marquer l’histoire du sport et de la vie
de notre pays. Christophe et Kevin représentent pour moi deux philosophies qu’il
faudrait enseigner dans les écoles publiques à la place de l’arabe : la
liberté de choisir sa voie, le courage et la volonté de travailler.
Les deux sont nés avec du talent.
Christophe est un gamin des montagnes de Savoie qui est une pépite athlétique brute.
Le premier coureur blanc à descendre sous les 10’’ mythiques. Au fond de sa
vallée, avec Pierre Carraz (« ce monstre de pédagogie et de confiance de
70 balais » dixit son élève), il s’est formé le mieux qu’il a pu. Un
travail de qualité face à l’adversité. Adversité intérieure due aux blessures,
aux contre-performances, à la concurrence. Mentalement ce doit être dur de
penser concourir pour la seconde place. Il est venu à la lumière de ses
exploits sous l’ère Bolt. Intouchable Bolt !
Après deux années de progression,
malgré 3 titres européens, 5 ans plus tard Christophe que les journalistes
regardent avec condescendance quand il se présente sur un meeting croit
toujours en son étoile. Il le dit, il y croit, son entourage aussi. Les gens ont
un demi sourire à la commissure des lèvres. Qui dira ne pas les avoir trouvés
pathétiques tous les deux ? Pierre Carraz dit depuis des semaines avoir les chronos d’entraînement
encourageants, qui l’a vraiment cru ? Qui les a encouragés ? Les 26 ans
(seulement) de Christophe l’ont mûri. Triste son regard en fin de chaque course qui
tente fixement de changer le résultat : jamais il n’a plus été en haut de
l’affiche. Alors il baisse la tête et repart au travail. Si pourtant, quelqu’un sait, c’est
lui. C’est vrai qu’un 100 ou un 200, c’est court mais c’est toute une vie, en 10 ou 20 secondes tout un film passe dans la course...
C’est fabuleux dans son franc
parler de l’entendre dire que « Bolt ? c’est injuste, il fait une
sortie de footing quand je suis presque à fond ». L’humour derrière ses
yeux bleus quelque part doit le sauver de la folie.
La magie des Jeux Olympiques ?
Contre vents et marée il s’est qualifié. Sans être un homme de record la
qualité majeure de Christophe est d’être un homme de championnat. Je crois qu’il
aime la bagarre, tête à tête, en fait l'affrontement d’homme à homme. Arrivé à Rio, c’est le déclic
en série du 100 m. Un bon départ, c’est le cas de le dire. Pour déplier sa
carcasse c’est un problème pour Christophe. Bonne demi-finale de 100 m et ce cri
qui n’est pas forcément entendu : je sais que je suis prêt. « Je veux
une médaille !» Qui l’a cru ? Qui ne s’est pas mis à sourire
intérieurement ?
Et il est là. Deux fois, il prend
les locomotives pour être qualifié sans douleur, second mais placé derrière Merritt. Et ce matin Sa Réussite. Le chef d’œuvre d’un compagnon du devoir de la plus belle cathédrale.
Deuxième dauphin de l’Empereur Bolt et toujours de l’humour, un franc parler
qui décape. Merci Christophe de montrer cela aux enfants.
Kevin c’est aussi superbe et
encore plein de promesses. A 24 ans, sur la plus difficile des épreuves d’athlétisme
il est arrivé le jour J au sommet de son art du moment. Décathlon, je me dis à
cet instant que l’on n’aurait pas dû permettre à une enseigne commerciale de
banaliser ce nom !
Kevin comme Christophe a des dons
et…une gueule. Je pense que sa copine doit avoir peur de le laisser dans la rue
tout seul, les propositions courtoises des dames doivent pleuvoir comme à gravelotte…
Kevin et son équipe d’entraîneurs est issu de l’école fédérale en suivant une
progression continue depuis les classes du collège et s’entraîne au Pôle de
Montpellier. Parallèlement il mène ses études à l’université, bon dérivatif
lorsque les temps sont durs… Messieurs les professeurs, des études pour oublier la douleur!
Progression linéaire d'un élu de
ce sport épuisant mais travail minutieux et très précis de tradition française. Pour la perche ses
conseils, il va les chercher auprès de Renaud Lavillenie et son équipe, ceux du
poids auprès de « Madame » Mélina Robert-Michon. 1’ ans de travail pour
une progression de 0,95m. Mais une médaille d’argent en point d’orgue d’une vie
qui donne toutes ses lettres de noblesse au sport…
Kevin veut voir les
meilleurs, il admire Eaton qu’il a vu 4 ans plus tôt déjà sur la plus haute marche de la "Boîte Olympique". Si le doute est son
moteur, il ne se le cache pas. Avant une épreuve tout en faisant bonne figure, « il
se chie dessus », il a peur…et il bosse. Il est parti en stage chez les
meilleurs de sa catégorie, au Canada chez Damian Warner qu’il vient de
terrasser au saut à la perche. Superbe stratégie en place, l’athlétisme est
sans pitié : cruel par le chrono et la distance. Avec le temps, ils sont
oubliés mais pendant et surtout avant l’effort, ils sont les vrais juges de l’état
de l’athlète.
Ces deux juges mènent le mental,
à peine édulcoré par les sensations intimes de l’athlète. Ces petits riens qui le
rassurent le long de la route qui mène à la plus belle performance, celle que l’on
veut le jour J. Pour son honneur, pour son bonheur, toujours passager car
demain tout sera remis en cause.
La route est tracée pour Kevin qui ira
chercher un jour 9000 points s’il garde sa lucidité et sa santé…Kevin assume
ses dons par son travail. Une merveilleuse image de voir ces champions se
battre avec chacun des engins puis se congratuler à la fin. Se remercier de s’être
poussés les uns les autres dans leurs derniers retranchements, pour accomplir
la meilleure performance possible sur le moment.
Belle image que l’on devrait
montrer à tous les jeunes qui ne savent pas quoi faire de leurs tourments. D’autant
plus important qu’avec ces deux athlètes il n’y a pas de marché, pas d’argent
autrement que de raisonnable. Pas de surenchère commerciale.
J’aurais pu parler de Mahiedine Mekhissi
et son incroyable parcours ou de Dimitri et son coach. Mahiedine doit malgré son statut sans doute
être très en colère seul contre l’adversité. Entendre les commentaires acerbes
et injustes sur sa médaille de Rio de plusieurs journalistes et même athlètes
est révoltant. L’athlétisme a des règles, il faut les respecter. Bascou a été
disqualifié en 110m haies, il n’y pas si longtemps. Mahiedine aussi pour avoir
enlevé son maillot, juste retour des choses pour moi. Les commentaires du bien-pensant
nous pourrissent la vie en France.
A Eaubonne, je pense que Dimitri Bascou, doit se marrer
avec Giscard Samba. Cet homme, coach volubile et passionné, doit être plein d’humour. Avec
son prénom de noble présidentiel, trouver moyen grâce au travail de son
athlète, d’enlever une médaille à Rio avec son nom Samba, au nez et à la barbe
de PML, je trouve qu’il a fait fort !
Mais il y a une leçon car pour
atteindre leur niveau: ils ont fait un beau chemin. Or je sais que pour chacun de nous, dans son
quartier, à son niveau modeste, il pourrait en être de même. Pas besoin d’être
sous les feux de la rampe pour être fier de son parcours. Pour être plombier,
boulanger ou secrétaire ce peut être la même chose…à chacun ses ambitions, l'essentiel étant d'en avoir et d'agir pour les réaliser.
Heureusement aussi deux champions de
référence ont parlé avec nos deux héros du jour, Stéphane Caristan et Jean
Galfione. Anciens athlètes eux aussi dont les commentaires sont peu souvent critiques. Leur
émotion face à Mélina est une preuve que le travail, les français sont capables
de l’aimer et le faire. Leurs regrets tintés face aux histoires de dopage, un espoir
qu’un jour des gens vont s’y attaquer pour rendre au sport une place plus
proche de la réalité des gens. Ce sont les athlètes qui ont les clés de l’avenir
du sport.
Ce sont eux qui doivent s’impliquer
dans la politique des sports du monde entier. A ce sujet pour l’athlétisme ce
qui me paraît exemplaire dans la gestion de la Fédération c’est déjà en place. Depuis 6 ans, un haltérophile Abdelghani Yalouz supporte l'édifice. Homme droit, le cœur
sur la main et la tête dans les étoiles. Je ne le connais pas, il le porte sur
lui, discret et efficace, dur aussi certainement. Champion reconnu et parcours universitaire remarquable pour donner
confiance à ses athlètes. Un chef, un vrai, compétent et charismatique.
Monsieur, vous pouvez être fier de vous et de vos équipes.
C’est ce que l’on attend dans la
vie d’aujourd’hui que des gens compétents et désintéressés prennent les rennes
de leur mission. Il faut virer les dirigeants véreux qui déshonorent les
efforts de ceux qui travaillent. Comme il faut virer les politiques qui ne s’occupent
pas du bien public.
Le monde qui nous attend va être
de plus en plus difficile. Tous ceux qui ne vont pas suivre les évolutions
incroyables qui nous attendent vont être laissés pour compte. Le sport est une
voie pour comprendre ce qu’est sa responsabilité de son passage sur terre.
Collectif ou individuel, il nous donne de vraies valeurs sur nos capacités
physiques et mentales, peu importe l’âge. Il nous donne des émotions qui n’appartiennent
qu’à nous. Il nous rend ce que nous lui donnons quelle que soit notre discipline.
Le sport est aussi fort que la
philosophie ou l’art pour polir la pépite qui sommeille en nous. Les Jeux Olympiques
sont tous les quatre ans une représentation aboutie de l’amour du travail.
Mélina, Dimitri, Mahiedine, Christophe,
Kevin, Ghani …Merci, je peux sourire.
Michel
Prieu
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