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B14 - Jeux Olympiques: Exemples (19-8-16)

Je viens à peine de sécher mes larmes de joie devant la télévision. Les Jeux Olympiques sont extraordinaires et dépassent tous les championnats du monde. La magie de l’Histoire sans doute qui nous vient des jeux du cirque de l’antiquité. Marathon fait encore des ondes...

Je ne les regarde pas comme les autres fois mais je suis attentif aux belles histoires. J’ai oublié les Russes qui sont en colère, j’ai oublié que l’organisation des jeux au Brésil est une erreur, les contrôles n’y sont pas corrects et la justice sportive n’y est toujours pas à l’honneur….

Ce matin, je veux revenir sur la performance de deux athlètes, Christophe Lemaître et Kevin Meyer. Deux français qui assurent, deux français qui montrent que la loi de l’intention ou la loi de l’attraction, n’est pas faite que pour les américains.

Je ne sais pas tout de ces jeunes gens, mais je suis heureux de les voir marquer l’histoire du sport et de la vie de notre pays. Christophe et Kevin représentent pour moi deux philosophies qu’il faudrait enseigner dans les écoles publiques à la place de l’arabe : la liberté de choisir sa voie, le courage et la volonté de travailler.

Les deux sont nés avec du talent. Christophe est un gamin des montagnes de Savoie qui est une pépite athlétique brute. Le premier coureur blanc à descendre sous les 10’’ mythiques. Au fond de sa vallée, avec Pierre Carraz (« ce monstre de pédagogie et de confiance de 70 balais » dixit son élève), il s’est formé le mieux qu’il a pu. Un travail de qualité face à l’adversité. Adversité intérieure due aux blessures, aux contre-performances, à la concurrence. Mentalement ce doit être dur de penser concourir pour la seconde place. Il est venu à la lumière de ses exploits sous l’ère Bolt. Intouchable Bolt !

Après deux années de progression, malgré 3 titres européens, 5 ans plus tard Christophe que les journalistes regardent avec condescendance quand il se présente sur un meeting croit toujours en son étoile. Il le dit, il y croit, son entourage aussi. Les gens ont un demi sourire à la commissure des lèvres. Qui dira ne pas les avoir trouvés pathétiques tous les deux ? Pierre Carraz dit depuis des semaines avoir les chronos d’entraînement encourageants, qui l’a vraiment cru ? Qui les a encouragés ? Les 26 ans (seulement) de Christophe l’ont mûri. Triste son regard en fin de chaque course qui tente fixement de changer le résultat : jamais il n’a plus été en haut de l’affiche. Alors il baisse la tête et repart au travail. Si pourtant, quelqu’un sait, c’est lui. C’est vrai qu’un 100 ou un 200, c’est court mais c’est toute une vie, en 10 ou 20 secondes tout un film passe dans la course...

C’est fabuleux dans son franc parler de l’entendre dire que « Bolt ? c’est injuste, il fait une sortie de footing quand je suis presque à fond ». L’humour derrière ses yeux bleus quelque part doit le sauver de la folie.

La magie des Jeux Olympiques ? Contre vents et marée il s’est qualifié. Sans être un homme de record la qualité majeure de Christophe est d’être un homme de championnat. Je crois qu’il aime la bagarre, tête à tête, en fait l'affrontement d’homme à homme. Arrivé à Rio, c’est le déclic en série du 100 m. Un bon départ, c’est le cas de le dire. Pour déplier sa carcasse c’est un problème pour Christophe. Bonne demi-finale de 100 m et ce cri qui n’est pas forcément entendu : je sais que je suis prêt. « Je veux une médaille !» Qui l’a cru ? Qui ne s’est pas mis à sourire intérieurement ?

Et il est là. Deux fois, il prend les locomotives pour être qualifié sans douleur, second mais placé derrière Merritt. Et ce matin Sa Réussite. Le chef d’œuvre d’un compagnon du devoir de la plus belle cathédrale. Deuxième dauphin de l’Empereur Bolt et toujours de l’humour, un franc parler qui décape. Merci Christophe de montrer cela aux enfants.

Kevin c’est aussi superbe et encore plein de promesses. A 24 ans, sur la plus difficile des épreuves d’athlétisme il est arrivé le jour J au sommet de son art du moment. Décathlon, je me dis à cet instant que l’on n’aurait pas dû permettre à une enseigne commerciale de banaliser ce nom !

Kevin comme Christophe a des dons et…une gueule. Je pense que sa copine doit avoir peur de le laisser dans la rue tout seul, les propositions courtoises des dames doivent pleuvoir comme à gravelotte… Kevin et son équipe d’entraîneurs est issu de l’école fédérale en suivant une progression continue depuis les classes du collège et s’entraîne au Pôle de Montpellier. Parallèlement il mène ses études à l’université, bon dérivatif lorsque les temps sont durs… Messieurs les professeurs, des études pour oublier la douleur!

Progression linéaire d'un élu de ce sport épuisant mais travail minutieux et très précis de tradition française. Pour la perche ses conseils, il va les chercher auprès de Renaud Lavillenie et son équipe, ceux du poids auprès de « Madame » Mélina Robert-Michon. 1’ ans de travail pour une progression de 0,95m. Mais une médaille d’argent en point d’orgue d’une vie qui donne toutes ses lettres de noblesse au sport… 

Kevin veut voir les meilleurs, il admire Eaton qu’il a vu 4 ans plus tôt déjà sur la plus haute marche de la "Boîte Olympique". Si le doute est son moteur, il ne se le cache pas. Avant une épreuve tout en faisant bonne figure, « il se chie dessus », il a peur…et il bosse. Il est parti en stage chez les meilleurs de sa catégorie, au Canada chez Damian Warner qu’il vient de terrasser au saut à la perche. Superbe stratégie en place, l’athlétisme est sans pitié : cruel par le chrono et la distance. Avec le temps, ils sont oubliés mais pendant et surtout avant l’effort, ils sont les vrais juges de l’état de l’athlète.

Ces deux juges mènent le mental, à peine édulcoré par les sensations intimes de l’athlète. Ces petits riens qui le rassurent le long de la route qui mène à la plus belle performance, celle que l’on veut le jour J. Pour son honneur, pour son bonheur, toujours passager car demain tout sera remis en cause. 

La route est tracée pour Kevin qui ira chercher un jour 9000 points s’il garde sa lucidité et sa santé…Kevin assume ses dons par son travail. Une merveilleuse image de voir ces champions se battre avec chacun des engins puis se congratuler à la fin. Se remercier de s’être poussés les uns les autres dans leurs derniers retranchements, pour accomplir la meilleure performance possible sur le moment.

Belle image que l’on devrait montrer à tous les jeunes qui ne savent pas quoi faire de leurs tourments. D’autant plus important qu’avec ces deux athlètes il n’y a pas de marché, pas d’argent autrement que de raisonnable. Pas de surenchère commerciale.

J’aurais pu parler de Mahiedine Mekhissi et son incroyable parcours ou de Dimitri et son coach.  Mahiedine doit malgré son statut sans doute être très en colère seul contre l’adversité. Entendre les commentaires acerbes et injustes sur sa médaille de Rio de plusieurs journalistes et même athlètes est révoltant. L’athlétisme a des règles, il faut les respecter. Bascou a été disqualifié en 110m haies, il n’y pas si longtemps. Mahiedine aussi pour avoir enlevé son maillot, juste retour des choses pour moi. Les commentaires du bien-pensant nous pourrissent la vie en France. 

A Eaubonne, je pense que Dimitri Bascou, doit se marrer avec Giscard Samba. Cet homme, coach volubile et passionné, doit être plein d’humour. Avec son prénom de noble présidentiel, trouver moyen grâce au travail de son athlète, d’enlever une médaille à Rio avec son nom Samba, au nez et à la barbe de PML, je trouve qu’il a fait fort !

Mais il y a une leçon car pour atteindre leur niveau: ils ont fait un beau chemin. Or je sais que pour chacun de nous, dans son quartier, à son niveau modeste, il pourrait en être de même. Pas besoin d’être sous les feux de la rampe pour être fier de son parcours. Pour être plombier, boulanger ou secrétaire ce peut être la même chose…à chacun ses ambitions, l'essentiel étant d'en avoir et d'agir pour les réaliser.

Heureusement aussi deux champions de référence ont parlé avec nos deux héros du jour, Stéphane Caristan et Jean Galfione. Anciens athlètes eux aussi dont les commentaires sont peu souvent critiques. Leur émotion face à Mélina est une preuve que le travail, les français sont capables de l’aimer et le faire. Leurs regrets tintés face aux histoires de dopage, un espoir qu’un jour des gens vont s’y attaquer pour rendre au sport une place plus proche de la réalité des gens. Ce sont les athlètes qui ont les clés de l’avenir du sport.

Ce sont eux qui doivent s’impliquer dans la politique des sports du monde entier. A ce sujet pour l’athlétisme ce qui me paraît exemplaire dans la gestion de la Fédération c’est déjà en place. Depuis 6 ans, un haltérophile Abdelghani Yalouz supporte l'édifice. Homme droit, le cœur sur la main et la tête dans les étoiles. Je ne le connais pas, il le porte sur lui, discret et efficace, dur aussi certainement. Champion reconnu et parcours universitaire remarquable pour donner confiance à ses athlètes. Un chef, un vrai, compétent et charismatique. Monsieur, vous pouvez être fier de vous et de vos équipes.

C’est ce que l’on attend dans la vie d’aujourd’hui que des gens compétents et désintéressés prennent les rennes de leur mission. Il faut virer les dirigeants véreux qui déshonorent les efforts de ceux qui travaillent. Comme il faut virer les politiques qui ne s’occupent pas du bien public.

Le monde qui nous attend va être de plus en plus difficile. Tous ceux qui ne vont pas suivre les évolutions incroyables qui nous attendent vont être laissés pour compte. Le sport est une voie pour comprendre ce qu’est sa responsabilité de son passage sur terre. Collectif ou individuel, il nous donne de vraies valeurs sur nos capacités physiques et mentales, peu importe l’âge. Il nous donne des émotions qui n’appartiennent qu’à nous. Il nous rend ce que nous lui donnons quelle que soit notre discipline.

Le sport est aussi fort que la philosophie ou l’art pour polir la pépite qui sommeille en nous. Les Jeux Olympiques sont tous les quatre ans une représentation aboutie de l’amour du travail.

Mélina, Dimitri, Mahiedine, Christophe, Kevin, Ghani …Merci, je peux sourire.





Michel Prieu

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