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B21- Rugby: quel avenir? (5-04-17)


Depuis que je suis en Andalousie, le weekend est consacré au rugby… de tous les pays. Au milieu des russes et des anglais la télévision qui fonctionne n’est pas celle de France. Il y a des ratés; même TF1 ne peut pas émettre et sur A2 une image sur 2.

Concernant cette société, j’ai lu quelques dépêches où les journalistes du service des sports ont écrit à leur patronne pour lui signaler leur mal-être depuis son arrivée. Le sport une fois de plus n’est pas bien traité. Ce n’est pas nouveau même si cela a un peu changé. Quand une entreprise est en difficulté ce n’est jamais la priorité. Sur A2, il y a longtemps qu’il est menacé.

Je sais bien ce qui se passe quand il faut redresser une entreprise, ce fut un de mes métiers. Il faut faire vite, avoir des résultats et ne pas trop communiquer. Vous devez sélectionner les personnels qui vont vous aider à réaliser la mission qui vous est confiée. Tous ne seront pas concernés. A vous, chef de projet de ne pas vous tromper.

Intuitivement j’ai admis que je n’étais pas un manager mais un entraîneur. Les hommes qui travaillent (œuvrent ?) ont à mes yeux la plus grande importance. Sans leur savoir-faire l’entreprise n’existerait pas. J’ai pu juger du bien-fondé d’une fonction confiée à un homme (femme), mais en aucune manière je ne me suis jamais autorisé à le(la) juger. Encore entraîneur, je sais qu’un homme a des qualités, mon rôle est d’essayer avec lui de les trouver et de les mettre en valeur.

J’ai appris cela simplement en jouant au rugby. J’ai eu la chance d’avoir des cours de gymnastique comme ceux de mathématique. Nos jeux étaient le sport plus que la lecture, l’athlétisme d’abord puis le foot, le basket, le hand... A peine ai-je mis les pieds au rugby au lycée, j’ai compris que ce sport était différent. Mon plaisir avec les copains c’était de resquiller pour voir jouer le Stado à Jules Soulé. Le père pas loin avait pris ses billets, mais c’était mieux avec les copains de passer par l’entrée des joueurs. Un moment de bonheur, on choisissait un jouer et on se faufilait pendant qu’il occupait le concierge du stade.

Avant de m’en aller loin de mon petit village, j’avais déjà compris que l’équipe de rugby c’était une famille. La famille c’est un cocon, un monde fermé, personne ne peut y rentrer sans difficulté. Les gendres ou belles-filles savent de quoi je parle. Je savais ainsi qu’entre Tarbes, Lourdes, Bagnères de Bigorre, Lannemezan rien ne pourrait les rassembler. J’enrageais de voir ces familles se déchirer au lieu de se rassembler pour mieux exister…un peu comme la mienne.

Le rugby à huit m’avait initié, mais c’est en arrivant à Toulouse que j’ai trouvé ma famille, en banlieue chez les maraîchers en blanc et bleu. Ce fut une fête que d’être champion de France Honneur et de monter d’un cran dans les catégories. En troisième division, l’amateurisme existait encore. J’avais des avantages de jouer en équipe première. Les copains comptaient sur moi le dimanche et la semaine interne derrière des murs surmontés de barbelés, j’étais autorisé à sortir pour aller m’entraîner. Je savais que j’étais privilégié, à 19 ans cela me suffisait.

Mes études m’ont amené ailleurs, j’ai eu le plaisir de découvrir d’autres familles tout aussi exigeantes dans leur affection. Toutes debout sur leurs ergots dès que l’on disait du bien de la famille voisine. Ce fut vrai à Clamart avec beaucoup de succès, montée Honneur-Troisième division-Deuxième division dans la foulée, puis à l’US Bourges. Chaque fois le plaisir de jouer était le même. Surtout en Région Parisienne, les équipes étaient composés de beaucoup de joueurs de province et les clubs étaient structurés, déjà les EDR existaient…

Toulouse m’offrit mon premier poste, les dirigeants du club que j’avais quitté trois ans plus tôt savaient que je rentrais pour travailler à l’usine où ils m’avaient déjà trouvé. A peine descendu de voiture, le Président m’attendait. L’occasion de lui présenter ma femme et notre premier né. Aimable et bienveillant, il n’avait pas changé, il me proposa un peu d’argent pour pouvoir s’installer. J’ai refusé, mais demandé en retour un coup de pouce pour que ma femme puisse entrer à l’hôpital régional. Elle avait tous les diplômes et l’expérience qu’il fallait, le soir c’était fait. Je peux dire que le rugby m’a beaucoup (r)apporté.

J’ai joué avec un grand plaisir comme vous pouvez l’imaginer, c’était un loisir, un moment sacré. Passionné, j’avais envie de devenir entraîneur, mais j’en fus dégoûté par un pilier de mêlée. Quelques années plus tard, les troisièmes mi-temps ont moins plu à Madame et je fus sommé d’arrêter…La trentaine arrivait pas une vraie difficulté.

J’ai laissé le maillot même si les couleurs sont toujours dans mon cœur, le short et les crampons mais je savais que j’en garderai l’esprit. Sa philosophie m’a servi dans les affaires que j’ai menées en France et surtout à l’étranger. Le rugby met dans votre œil quelques subtilités que seuls ceux qui ont joué peuvent savourer. Une connivence entre dureté et légèreté teintée d’un peu d’humour. Un recul nécessaire afin d’intuiter que pour bien jouer vous ne pouvez être seul. Une solidarité qui vous dit que délivrer une passe à son partenaire qui vous suit est une offrande cachée. Pas question d’envoyer son copain à la boucherie, un copain de rugby c’est sacré, l’esprit du jeu vous y conduit, vous en êtes imprégné de tout ce respect. Une sensibilité…

En 95, le rugby professionnel est né, juste au moment où l’industrie s’en allait. Etait-ce une idée pour recycler quelques patrons désœuvrés ? S’installer dans une France qui déjà déclinait cela pouvait paraître compliqué surtout que ce jeu n’était pas universel sans être confidentiel. Régional en France, il est aristocratique dans les pays anglo-saxons. Le modèle économique choisi pour le faire avancer fut calqué sur le foot et ses errances.
Marketing, sponsoring, meeting avaient remplacé dans la bouche des annonceurs les noms français qui autrefois donnaient du sens à nos activités. Il faut du marketing pour vendre des produits frelatés qui peuvent empoisonner. Le sponsoring se comprend avec rentabilité et productivité. Meeting est plus souvent lié à propagande et contestation que rassemblement.

Tout fut réorganisé et la LNR est née. Les élus de la fédération se sont laissés griser sous le contrôle du Board et de l’ERC. En rugby, nous sommes en liberté surveillée. Nos dirigeants occupés à manger et à profiter ont laissé le rugby se déliter.

Le rugby des villes et des champs s’est complètement dégradé au point que je ne regardais que les phases finales. La bouillie du championnat m’insupportait. Pour faire bonne mesure le calendrier à tout compliqué. Les doublons du championnat sont venus apporter l’iniquité sportive.

Jouer un match de championnat pendant les matches internationaux est inadmissible. Qu’une ville joue contre une région, je ne peux l’accepter. Pendant longtemps j’ai abandonné le championnat français. J’ai repris goût au jeu avec   les matches de l’hémisphère sud. Un peu de All Black, de Wallabie ou de Sprinbok m’a permis de revoir le ballon voler et non pas se laisser confisquer. J’ai suivi aussi tous les matches internationaux. J’ai suivi les changements profonds du rugby. Les joueurs devenir des athlètes puis des stars…

En Europe, j’ai toujours regardé le Tournoi des 5 puis des 6 Nations. Il est la tradition, la prolongation de la Guerre de Cent Ans, à peine une boutade… J’y suis attaché par une histoire d’amitié de mes jeunes années. Pendant quelques temps nous avons figuré puis nous avons perdu pied.  Toulouse compensait notre frustration gauloise en faisant la loi en Championnat d’Europe. Ô Toulouse, me fait pleurer tellement ma gorge est serrée sous la voix de Claude Nougaro, c’est ma ville. L’équipe du « Stade » était à son apogée. Un modèle équilibré : finances combinées, président avisé, entraîneur entraînant, joueurs formés dans l’entourage du club, recrutement avisé. Cela ne pouvait durer…

Dans mon esprit un doute s’est allumé quand revenu vers Paris pour travailler (ce que j’avais toujours dit que je ne ferai jamais), Max Guazzini a promu le Stade Français. Je connaissais la valeur des écoles de rugby de toute la région et de Massy en particulier. Voir arriver le club au niveau national ne m’étonnait pas. Rivaliser avec le Racing, un sain équilibrage dans cette région surpeuplée en tout cas on pouvait le penser. Cela ne s’est pas fait, le Racing s’est poussé. Les médias ont inventé le « Classico » pour encore singer le foot. Cela me semblait surfait mais on voyait du jeu entre « champagne » et « paillettes », le rose et le rouge et noir. Puis tout s’est déréglé…

Le rugby n’a pas su comprendre comment vivre sainement et grandir sagement. Tous les clubs sont en danger, ils sont fragiles comme beaucoup de nos entreprises. Les causes en sont profondes et ont trait au caractère français. On a peur de tout, ce qui fait que nos projets sportifs ne sont pas préparés pour gagner mais pour ne pas perdre. Cet état d’esprit n’est pas près de changer en rugby. D’autres fédérations ce sport collectif ont compris et commencé à changer, le handball, le basket, le volley et même le foot avec des hommes inspirés, visionnaires et compétents. Un long cheminement.

Paris est une ville très particulière, elle a tout pour briller mais ne sait pas qui elle est. Pour exister, accéder aux étages supérieurs de votre parcours, il faut y passer, c’est presque obligé, mais pour vivre il ne faut pas y rester. En tout cas pour le rugby, elle n’a pas de clocher. Beaucoup de gens y aiment le jeu mais pour eux, c’est un mode de vie, une sorte de différence. Pas de quoi donner du sens à une grande équipe alors à deux…Même le foot a du mal à s’y multiplier.

Je n’ai pas aimé que les clubs de rugby se mettent à recruter à l’étranger sans avoir imaginé les dégâts collatéraux que cela aurait. La LNR et la FFG ont inventé une hydre a plusieurs têtes que leur amateurisme n’a pas su gérer. En France, l’esprit rugby prend vie dans chaque maison. Le grand-père ou le père offre le premier ballon et le jeu peut commencer. Pas besoin de discours, même dans le salon, la passe est un message, le ballon ovale le messager. Mes fils en ont eu un et ont choisi. L’aîné a choisi l’ovale et le plus jeune a gardé le rond, l’école de rugby était trop loin. Son jeune fils, encore plus doué que ses parents, est entré à l’EDR de son village. Mais au bout de quelques mois son père l’a changé de sport, il était en danger face aux plus grands que lui et ses éducateurs voulaient le surclasser…A 9 ans, il ne faut pas exagérer. Il n’a rien appris du ballon ovale sauf à en jouer avec ses copains portugais dans le jardin, à 12 ans il s’éclate au hand. Il a le temps de revenir au rugby…vers l’âge de 15 ans. Comme avant ?

Ce n’est pas nouveau, j’en veux à l’enseignement dont j’ai tant profité et que j’ai aussi assuré. En université et même en sport, je continue dans ce domaine qui m’a ouvert les yeux. Le golf est venu me montrer que pour être vraiment bon au rugby, je n’avais pas tout fait. Depuis le début des années 2000, le monde a changé. La FFR n’a pas su franchir le pas des changements de mode de vie. Elle ne s’est pas occupée des clubs amateurs. La source qui préparait les joueurs s’est tarie au fil des années.

Quand je râle contre l’enseignement, je n’en ai pas après les instituteurs ou les professeurs mais après les ministres et leurs inspecteurs. J’en veux à ceux qui ne décident pas, qui ne prennent pas leur responsabilité en pensant français. Nous sommes différents des autres peuples, il ne sert à rien de les copier de vouloir des modèles qui ne nous sont pas adaptés. Nous avons une identité que l’on ne peut galvauder.

Notre décadence en rugby est la même que celle de notre pays. Nous avons des penseurs du sport comme dans notre philosophie. Ce que nous avons besoin c’est de respecter l’esprit du jeu et de s’y engager pour le traduire avec l’esprit français. C’est ce que savent faire les anglo-saxons, leur pragmatisme fait mon admiration. Ils savent être responsable de ce qu’ils font.

Je n’aime pas la façon dont le rugby est enseigné trop jeune et trop spécialisé. Jouer au ballon d’abord me semble plus indiqué. C’est par le jeu que petit on apprend la dextérité, la malice, la créativité qui faisait (et fait toujours) notre spécificité, avec les copains il faut du plaisir pour découvrir sa manière de jouer. C’est l’esprit français celui que l’on nous envie et pas que dans le rugby.

« Le french-flair », ce sont les Irlandais, les Ecossais et surtout les All Blacks qui l’ont accaparé. Ils nous l’ont encore montré lors de ces derniers matches. Des matches clairs qui montrent une idée directrice bien comprise et partagée de tous. Ils tentent, jouent pour gagner et défendent pied pour ne pas perdre. Leurs intentions sont lisibles, comprises de tous, ce qui fait la ferveur des tribunes, les gens communient tout en buvant leur bière. Les All Blacks n’y vont pas par quatre chemins, leur jeu exprime leur culture. C’est le Haka qui les fait entrer dans leur partie comme ils le font pour entrer ou sortir de la vie, leur culture est montrée par ce cérémonial. C’est cela leur vrai secret… En Super rugby, c’est une fête d’être dans les tribunes, dans tous les stades. Le haka avec les femmes est encore à mes yeux plus impressionnant. Le haka imprègne toute leur société, ils n’ont pas peur de leur Histoire, elle est sacrée.

Nos entreprises rugby ont fait comme nos entreprises industrielles, elles se sont fourvoyées. Pour gérer une entreprise, il faut du talent et ce dernier ne s’apprend pas qu’à l’école. On voudrait tout modéliser, aseptiser, pasteuriser, sûrement souhaitable par endroit alors qu’en sport recherche la créativité, la continuité d’un mouvement, une alternance dans le combat. Pour cela il faut inventer et expérimenter, ne pas avoir peur de l’essai et de l’erreur. J’ai une aversion pour le « principe de précaution », je lui préfère « intelligence de situation ». Le principe s’applique, plus facile que de réfléchir de réfléchir… (En écrivant cela, je me remémore les sourires narquois des bienpensants en écoutant Pierre Villepreux parler d’intelligence situationnelle !)

La Rose des Anglais à toujours des épines, le Wallabie ou le Springbok sont fiers de ce qu’ils sont devenus (et c’est dur pour eux aussi), le Coq ne sait plus qui il est sur son tas de fumier, ce n’est pas un secret, mes amis étrangers en sont inquiets. Hier encore, Vladimir, de Prague m’en parlait après notre partie de golf. Nos valeurs historiques sont foulées au pied par des gens incultes qui nous méprisent dès qu’ils sont élus.

La FFR était dans cette tradition. Elle ne s’est pas réformée pour s’adapter à l’évolution du monde du sport dont elle est censée favoriser le développement. Pour ne pas les accabler, je rappelle que les professeurs de sciences et de mathématiques confortés par ceux de français nous ont déjà dit que le sport ne servait à rien pour l’avenir de ceux qui les écoutent. Déjà pour un enfant il faut dépasser cette injonction pour s’inscrire dans un club de sport de son quartier. En regardant en passant la télévision, les mamans ont peur pour leur petit quand il s’agit de rugby. Alors pour les intéresser, il faudrait un sacré talent, d’autant que les loisirs plus faciles offrent d’autres tentations.

Si l’école de rugby n’est pas bien encadrée avec des gens éclairés, passionnés, éduqués, recyclés et soutenus par leurs dirigeants, pas étonnant que les enfants se détournent de notre sport favori. Le rugby ne propose plus de jeu parce que notre éducation entière est devenue sectaire. La formation n’est pas l’éducation, c’est presque sa… négation. Sans même parler de niveau, pour le renouvellement des joueurs, c’est un problème majeur. La FFR a changé dans le domaine tout est à changer.

Max Guazzini s’est fatigué comme bien des présidents. Au bord du gouffre, après maintes péripéties (Bernie encore dans le coup, mais berné dans les faits) il a passé la main à un mécène qui a cru trouver de la notoriété et une visibilité pour les affaires qui ont fait sa fortune. L’esprit rugby est tentant, il était devenu porteur. Le génie de M. Savare est son sens des affaires, rien à lui reprocher. A-t-il avec son ami Jacky Lorenzetti été traumatisé par la tentative de rapprochement des clubs du Pays Basque ? La fusion de ces deux clubs à mon sens se justifie. Les dés sont lancés, encore en train de rouler la raison des basques un jour l’emportera, quand ils voudront avoir encore un pavillon sur rue. Sinon ? Ils disparaîtront. Pour faire exister le rugby à Paris la réflexion n’est pas qu’économique. Elle est politique elle doit être raisonnée comme un fait de société autour de l’île de la Cité et de la banlieue. Un partage géographique pour régler des problèmes de société. Le rugby crée du lien social plus fort et plus vrai que ne le fait le foot. Pour aller jusqu’au bout, avec les footeux et le comportement de leurs supporters, pour les organisateurs stress rime avec CRS. Voir les derniers dégâts du Stade de Lyon. Avec le rugby, à Toulouse, Biarritz, Lille ou Saint Denis ce sont les supporters qui font encore la police !

Avoir imaginé marier le Racing et Stade Français quand on a passé quelques années en Ile de France est une drôle d’idée. La fusion de deux entreprises même en économie les journaux en font peu de cas, c’est avant tout un drame humain. Les chiffres ne souffrent pas de contestation mais les employés souffrent toujours de la nouvelle situation. J’ai donné pour savoir.

Ce qui est vrai dans l’entreprise, ce que très souvent patrons et actionnaires oublient qu’ils ont des âmes en charge. Au siècle où nous sommes le mot prend un nouveau sens et ne peut être la risée de ceux qui le voudraient. Les employés ne peuvent faire de même. Pour se protéger, ils ont trouvé un biais au bout de quelques années leurs employés sont anesthésiés et investissent à côté dans un hobby qui leur plaît. Ils n’ont plus d’idées pour leur mission ou s’ils en ont, ils les gardent pour eux. Même ingénieurs, au lieu d’être ingénieux ils ne pensent qu’à eux. C’est un constat amer mais nous en sommes là.

Les seuls qui émergent de ce magma, ce sont ceux qui ont choisi et aiment leur métier. La loi de carré les estime à un quart de la population d’une société. Quand un jeune sportif veut devenir professionnel le chemin qu’il doit parcourir est semé d’embûches. Une fois sorti du cocon de son centre d’éclosion, pour atteindre la notoriété c’est encore plus dur. Ils sont individualistes certainement mais juste comme chacun doit l’être aujourd’hui. Le siècle n’est plus à souffrir pour prendre ne charge les peines du voisin. Le meilleur moyen de pouvoir aider (un peu) vos concitoyens, c’est de savoir qui vous êtes, de vous respecter et de vous aimer. Votre estime de soi établie, vous pouvez penser à votre prochain. C’est dans l’ordre des choses d’aujourd’hui, tout le monde n’a pas compris.

Ne pas communiquer avec ceux qui mouillent le maillot et qui aiment leur métier, les deux Présidents se sont complètement loupés. On ne marche pas sur les hommes sans en avoir des retombées. En danger les joueurs ont pris leurs responsabilités et se sont mis de nouveau à jouer et…gagner. Preuve que le malaise interne était déjà acté, les journaux s’en étaient faits quelques échos (cf. les états d’âme de Parisse dans le journal l’Equipe).

Le marché, l’économie, les financier peuvent de nos jours tout justifier bien que cela puisse se discuter. En sport c’est plus délicat car il y a des liens avec le championnat, l’équité sportive sans parler des liens sociaux. Bien des gens qui travaillent pour le club ne sont pas des employés, dommage que les présidents du Stade Français et du Racing n’aient pas pensé à tous ces tracas. Une ligne de plus sur les dégâts collatéraux, une erreur stratégique ou un acte manqué. Un mal pour un bien cela a mis le feu aux poudres…

Je ne sais pas qui est Bernard Laporte mais je sais comment il s’est conduit derrière la mêlée de Bègles. Avec ses arguments, il s’est débrouillé à faire bouger son 5 de devant pour libérer ses arrières. Fluet dans son maillot à damiers, il a su gagner (je sais en France on aime pas trop). Je ne sais pas si ses diplômes d’entraîneur sont validés mais il pourrait enseigner à certains la manière de gagner, comme sélectionneur aussi. Cet homme a su gagner avec les équipes qui lui ont été confiées, dans le monde où l’on vit cela mérite le respect. Plutôt que de l’emmerder on ferait déjà mieux de le remercier. Dans le rugby il y a en a beaucoup qui le critiquent et qui ne lui arrivent pas à la cheville. Secrétaire d’Etat fut une surprise, sa gouaille ne convient pas à tout le monde mais quand il a une idée il va au bout. Il a réalisé des choses au Ministère en peu de temps (lois dopage, DNACG, « haut niveau » …) que beaucoup sont contents de trouver maintenant, en France et en Europe. Peu de gens savent faire avancer les choses dans leur mission politique. Je ne sais pas juger de sa sincérité pour la politique qu’il veut mener, mais il a secoué le cocotier. Les propos de M. Revol qui écrit sous lettre ouverte à M. Goze montrent qu’à la LNR il y a malaise…

Le bras de fer avec la LNR est engagé. Le tribunal va devoir trancher, il aurait sans doute valu mieux négocier mais les égos sont surdimensionnés. Entre présidents c’est toujours compliqué la négociation c’est aller au charbon, pas toujours la meilleure solution. Il n’y a pas que là que ça fait des dégâts.

Dans le même temps (toujours pressé) il veut privilégier l’équipe de France. C’est notre vitrine, c’est elle qui fait vibrer, occuper l’espace télévisé, le média qui fait des licenciés. Je ne lui donne pas tort (même s’il aurait pu procéder avec un peu plus de doigté) G. Novès sait éduquer, mais ce sera coton avec ce que propose le Top 14 toute la sainte année. Adapter les joueurs se sera compliqué. Attendons l’été, partons en tournée, on verra après.

Si la LNR veut continuer de faire de l’argent, elle va devoir changer son fusil d’épaule. Le jeu proposé par le Top 14 ne fait plus recette. Les clubs ne pourront pas suivre la course à l’armement lancée. Les clubs vont devoir repenser leur modèle économique. Séries inférieures, Séries Fédérales et Pro D2 sont gangrénées de la même façon, tout mérite d’être révisé pour revenir au jeu et servir le bien commun de la société. Arrêter la course au pognon est une priorité pour parler éducation et projet de jeu dans chaque région.

L’avènement du Rugby à 7 avec son admission aux Jeux Olympiques a ouvert des portes à de nouvelles nations. Nous sommes dans cet espace aussi déjà largement distancés. Sans s’intéresser à cette discipline avec l’aura qu’elle a déjà prise bientôt nous n’existerons même pas.

Pour le Président nouvellement nommé le chantier est énorme. Je ne sais pas si sa femme le laissera entraîner les petits le dimanche à l’ombre d’un clocher. C’est d’autant plus dommage de constater cela quand on peut comparer ce que les autres pays de l’Univers Rugby en ont fait dans le même temps.

Je ne parlerai pas des Irlandais qui ont trouvé un modèle privilégié. Je ne suis pas d’accord avec leur comté du Munster et du Leinster même s’ils ont été autorisés à jouer. Je préfère ce qu’ont fait les Ecossais avec Edinbourg et Glasgow. Chez les Anglais les clubs ont aussi évolué. Les matches de Premiership sont de qualité. On aime ou pas le jeu anglais mais il a un sens pour qui les connait.  Regarder jouer les Wasps, Leicester, Saracens…,  est plein d’enseignements. Ils tentent et se font plaisir même si je n’apprécie pas la suffisance du jeune Owen Farrell elle ne fait que suivre les traces d’un Will Carling. Preuve que si les Anglais continuent de dominer, ils n’ont pas changé malgré les mêmes difficultés de vivre proposées aux français. Leur esprit insulaire est leur identité….

Clermont et La Rochelle donnent aujourd’hui le ton du rugby national. Ils existent au plan international. Ils ont souffert pour assumer leur identité propre. Ces deux équipes menées par des couples d’entraîneurs qui ont voyagé ou qui ont appris sur plusieurs terrains d’activité. Ils ont une personnalité. Ils sont respectés de leurs dirigeants, ont choisi les joueurs avec une bonne complémentarité. Les jeunes peuvent remplacer les vieux, il y a continuité…

Cet équilibre ne va pas durer, une équipe est un être vivant et les dirigeants feraient bien de l’anticiper ce qui sera le besoin de demain. Gouverner c’est prévoir, dans le rugby c’est toujours vrai. Les clubs comme les hommes ont des cycles de vie, ils doivent être respectés. Quand vous êtes dirigeant concerné par la mission qui vous est confiée, le stress ne vous quitte jamais. Vous êtes payé pour le stress que vous avez, dans toutes les entreprises c’est une vérité. A un moment vous êtes fatigué, vous n’avez plus d’idées ou l’énergie pour les faire passer. Diriger n’est pas durer, l’énergie que vous passez à durer vous ne la livrez pas dans la mission qui vous est demandée. Vous devez avoir l’humilité de prévoir ce moment où vous allez vous écarter pour relancer le système qui vous est confié. Multiplier les mandats ne sert pas l’intérêt de l’organisation que vous avez créée. C’est dans ce domaine que M. Bouscatel a commis une erreur…

Cela nous ramène au Stade Toulousain et sa perte de rayonnement. Novès est parti mais il est vrai que son discours était déjà dépassé avant que de quitter son poste de manager. L’équilibre s’est fissuré à partir du moment où l’école de rugby n’a plus fourni l’équilibre de l’ossature de l’équipe garante de l’état d’esprit de la ville rose. La fin d’une époque ?  Pour moi elle commence au départ de Michalak (2008). En allant voir ailleurs, s’y imposer et voir ce qu’il a vu, c’est un homme meilleur qui est revenu.
C’est la culture club qui fait qu’au moment adhoc un joueur va se dépasser. M. Bouscatel aurait déjà dû revoir sa politique et son encadrement avant le départ de Guy Novès. Son héritage n’a pas été bien managé. Les hommes choisis pour encadrer les joueurs n’ont ni la classe ni l’aura de leurs prédécesseurs. Le Stade Toulousain est un monument. A L’autre bout du monde, boire une bière au comptoir en rouge et noir et parler français, on m’accoste pour savoir si je suis de Toulouse. ST a un esprit particulier qui doit être géré par ceux qui ont les racines de ce club ancrées au fond du cœur. C’est une exigence particulière. L’héritier de Novès n’a pas été trouvé et ce n’est pas M. Bouscatel qui le dénichera.  

Les présidents même quand ils mettent de l’argent devraient s’entourer de gens de qualité qui ne sont pas des serviteurs et ont un œil sur les résultats sportifs autant que sur les finances. Dès que les résultats ne sont pas au rendez-vous, les finances déclinent. Le moyen d’assurer la pérennité du club qu’ils ont participé à créer est d’avoir un projet sportif ambitieux et de se battre pour le réaliser avec une grande partie des gens recrutés, sélectionnés pour leur complémentarité. C’est le projet et son avancée, la foi que l’on a en lui, la pugnacité qu’il faut pour le faire avancer, qui font apparaître les opportunités de le réaliser, puis de le faire évoluer. Avec vigilance et à point nommé, les efforts doivent être recomposés.

Manager une entreprise de sport c’est très compliqué. Le dirigeant doit comprendre l’environnement qui entoure la société pour anticiper ce qu’il faudra changer. Ce qui ne doit pas changer ce sont les fondamentaux qui font la spécialité de l’équipe. La philosophie du lieu où le club est implanté, celle des gens qui vont le supporter. L’équipe de Castres, Bayonne ne peut être menée comme celle de Toulouse ou Clermont. Les grands clubs doivent avoir leur centre de formation. Dans les clubs tous les joueurs trouvent leur identité. Les étrangers doivent être entourés mais pas en majorité.

Les jeunes doivent être intéressés et régulièrement testés. Je me souviens encore de la joie que nous avions encore juniors quand notre équipe première (Série Honneur !) venait nous voir jouer le matin au moment de leur rassemblement. Jouer au Stadium en lever de rideau d’un grand match nous faisait trembler mais que de souvenirs. Les joueurs professionnels devraient enseigner une partie de leur semaine dans le club où ils sont rémunérés…

Marcoussis n’est pas le meilleur endroit pour former des joueurs professionnels tout au long de l’année. Les joueurs ne cherchent pas un CAP d’ajusteur ou de serrurier. Joueur ne se décrète pas cela se fait avec le temps. Que ce soit un centre d’éducation exigeant, ce n’est pas la même chose. Ce qui doit être enseigné là est différent de ce qui est fait en club. Pas en contradiction en complémentarité. Les jeunes doivent être sélectionnés et rassemblés pour préparer les équipes de France de leur catégorie. Pour former une équipe donc à sélectionner dans un but précis avec une finalité selon la politique de la FFR. Le reste du temps ils doivent se frotter au jeu de leur équipe, dans le stade où ils ont grandi. C’est dans leur terroir qu’ils apprendront ce qu’est leur véritable identité. Ce n’est pas à leurs enseignants à leur dire qu’ils sont les meilleurs comme cela se fait dans les Grandes Ecoles). En sport, la réalité de son efficacité c’est sur le pré que l’on peut la vérifier.

Ma grande surprise en arrivant à mon premier match à Adelaïde (West Australia), c’est d’avoir vu des joueurs jeunes sur le terrain. La vitesse et le temps de jeu sont incroyables. Le jeu n’est plus le même que celui que je connaissais. Les joueurs sont de véritables athlètes. Les intervalles se sont réduits, les impacts sont sans commune mesure avec ce que l’on connaissait. Pas étonnant qu’il y ait tant de blessés. Ma question c’est comment peuvent-il récupérer ? Je ne sais pas si les aliments complémentaires suffisent à remplir la besace d’énergie pour reprendre les entraînements, les voyages et le match de la semaine d’après.

Quand les plus anciens des antipodes arrivent en France, ils sont usés. Il faut avoir la volonté et l’honnêteté d’un Wilkinson pour faire ce qu’il a fait avec Toulon. Une fois monnayé leur contrat, l’adaptation des joueurs (et de leur famille) n’est pas toujours facile. L’énergie dépensée pour s’adapter est parfois difficile à compenser. Je trouve que leur rendement se dilue avec l’entraînement. Je ne sais pas si leurs entraîneurs se servent des compétences des nouveaux arrivants. Tous ces petits détails jouent sur le rendement des joueurs et quand les prestations ne sont pas à la hauteur (des attentes et du salaire éventuel), cela a certainement aussi un impact dans le vestiaire ce qui n’est pas toujours favorable à la cohésion de l’équipe. Un équilibre de système sportif est toujours fragile.

Je suis frappé du sérieux des joueurs, comme si encore jeunes ils n’avaient plus envie de s’éclater, comme si jeu et plaisir ne pouvaient être associés. Ils récitent ce qu’ils ont appris à l’école de rugby. Oublié leur sensibilité. Les analyses sont correctes parfois critiques et justifiées. Alors pourquoi attendre les ordres de l’entraîneur à la mi-temps pour changer le plan de jeu ?

Je comprends qu’il en faut un pour produire une voiture, avec les aléas rencontrés, on prend le temps de le réviser. Sur un terrain de sport ce n’est plus le même sujet, une fois énoncé et partagé ce devrait être instantané, c’est le sens tactique de l’équipe. Une équipe n’est pas une addition de talents, c’est un amalgame sophistiqué de relations entre des joueurs choisis au service d’un projet de jeu du moins peut-on l’espérer la moindre des stratégies. Certains joueurs sont des match-winners, des décideurs et d’autres ont des rôles mineurs mais essentiels pour permettre à chacun de faire ce pourquoi il est désigné.

Chez les professionnels ce qui brise aussi l’élan parfois, c’est le rapport aux médias. Je n’ai pas aimé l’entrée des caméras dans les vestiaires. Ce qui s’y passe doit être préservé. Toutes les informations ne doivent pas être livrées. Chacun fait comme il lui plaît mais la vie d’une famille c’est privé. Si un joueur trouve le moyen de s’épancher sur son mal être dans un journal, sa position est fragilisée. Il rompt le pacte de non-agression virtuel qui le lie à son employeur. Le droit de réserve est aussi indispensable que le secret de l’instruction. La justice n’a pas a être rendue par les médias, dans ce cas elle outre passe ses droits.

Pour revenir au jeu, ce que je constate, c’est que les équipes qui jouent le plus sont dirigées en majorité par d’anciens All Blacks, pas anormal, ils respectent leur les lois du jeu s’y adaptent avec pragmatisme en fonction des qualités des équipes dont ils ont hérité. Eddy Jones est une exception. Il gagne mais n’a pas fait évoluer le jeu de l’équipe d’Angleterre. Je note aussi que les Australiens et surtout les Springboks dont les sociétés sont aussi en mutation ont quelques problèmes pour exister face aux autres nations majeures du rugby international.

Pour ce qui concerne le Top 14, je n’ai pas l’impression que les plans de jeu sont partagés avec les joueurs. Le jeu de rugby demande continuité, à voir se dérouler une partie je me demande à chaque match si les joueurs l’ont compris. Je ne sens pas la notion de coller au ballon être bien assimilée. Un joueur prend un trou et son inspiration n’est ni comprise ni suivie avec attention. Le ruck est devenu une clé du jeu moderne. Je ne vois que quelques rares joueurs en défense attaquer le ballon du joueur qui attaque. On dirait qu’ils ont peur de se faire mal aux mains. C’est juste une action essentielle du jeu qui montre que l’on a envie d’avoir le ballon dans son camp. Avec lui en main, l’équipe a des chances de marquer (j’enfonce une porte grande ouverte !). En ne faisant que défendre, on gagnera de temps en temps, mais pas sur la durée. Le rugby est d’abord de la conquête et de la possession, le fun c’est ensuite de trouver des solutions pour jouer ensemble et partager l’espace pour offrir une passe qui fera essai. Pour cela il faut tenter, c’est la joie du jeu mais on l’a oublié au profit de la rentabilité…

Tarbes, Lourdes, Bagnères après Lannemezan n’ont jamais trouvé un modèle pyrénéen cohérent et ont disparu de la carte du rugby au moment où Pau vit une embellie (entraîneur NZ et joueurs clés NZ). Auch vient de fondre les plombs, épuisé, désargenté. Je suis peiné de ce fait mais pas surpris, les usines sont parties aussi.

J’ai la conviction que pour revoir un rugby national digne d’intérêt, il faut le repenser, le modèle économique ne pourra pas durer. La valse des entraîneurs, les rétrogradations, quelques affaires de joueurs, ont fait perdre en peu de temps le crédit que ce sport croyait pouvoir acheter. Les affiches de saison régulière n’ont pas toujours l’intérêt escompté. Le calendrier surchargé et les matches décalées dans le weekend diminuent l’intérêt. A ce petit jeu, même le Super Rugby est menacé ! Trop de rugby tue le rugby.

J’espère que le Rugby des clochers sera sauvé, les enfants y trouveraient beaucoup d’intérêt mais pour trouver une parade au désenchantement dont ces lignes ont tracé une image sans exhaustivité, les amoureux de ce jeu devront apporter de nouvelles idées. En accord avec la nouvelle forme de société. Cette dernière attend un retour à la qualité, française serait la panacée. Pas pour faire un pied de nez au monde qui nous entoure, pour jouer avec nos qualités.

Pour l’esprit j’ai de l’espoir ce n’est pas si compliqué. Les Irlandais ont déjà montré que même en guerre de religion une équipe pouvait se former et donner du plaisir à les regarder jouer. Ce jeu pourrait rassembler à nouveau notre identité et apporter son pesant d’éducation. Je suis optimiste, je sais que les dés qui roulaient vont bientôt s’arrêter. Tous les yeux sont tournés vers La Rochelle et Clermont, s’ils arrivent au bout de leur idée cette année, les exemples pour changer seront tout trouvés. S’ils perdent ce n’est pas grave, ils sont sur le bon chemin, il leur reste juste à travailler un peu mieux leur sujet. Pour les petits clubs si la FFR fait ce qu’elle a promis, une chance que cela bouge aussi, il faut que les entraîneurs aient de nouveau envie de jouer au rugby…

Je connais des entraîneurs qui n’aiment pas le mot travail. Il est galvaudé, pas toujours bien compris qu’il faut le mener à bien mieux vaut aimer le pratiquer. J’ai appris un jour que sa racine venait de « tripalium » autant dire crucifié. Avec le temps, j’ai vu des hommes travailler et réaliser de beaux projets aussi aujourd’hui je préfère dire que le travail c’est de l’amour visible. Je suis sûr que l'avenir du rugby passe par un retour au jeu. Les enfants deviendront grands et pourront continuer de rêver....




Michel Prieu

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