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B3 - Où va le golf? (3-3-16)


A peine les pieds sur cette terre d’Australie, qu’une pancarte le long de la route a attiré mon attention : un club privé cherche des joueurs pour devenir membre du club. Cela a immédiatement ouvert une réflexion sur l’ensemble de ce sport que j’aime, tellement il m’a apporté au plan personnel et pour tout ce qu’il me permet de partager avec les autres joueurs.

Si j’avais stigmatisé, l’an dernier, l’attitude des joueurs de Floride puis des Californiens pour leurs manières différentes d’aborder le golf, je dois reconnaître que c’était pour moi deux périodes différentes. En Californie, je jouais plus pour découvrir les golfs et rencontrer des gens tout en faisant du sport. En Floride, j’aimais encore me confronter à chaque parcours, sportivement. Dans les deux cas, toutefois, il m’intéresse de bien jouer le parcours, pour moi et ceux qui m’accompagnent.

D’une partie de golf, il me reste toujours des images ou des impressions. En Floride, le starter était strict pour dès le tee de départ faire avancer rapidement tous les joueurs. Les joueurs allaient assez vite et ne jouaient pas mal du tout, mais le sheriff intervenait au moindre ralentissement. Voiture obligatoire. Le golf, c’est du business : il faut faire entrer la monnaie. En Californie, changement de décor, car je trouvais que les joueurs ne jouaient pas très bien et ne s’occupaient pas des équipes jouant derrière eux. Surtout, aucun engagement de la direction des golfs. Après trois parcours de 5H30, en voiture (Californie=montagne), j’avais grande envie de laisser les clubs au clou.

Les australiens semblent jouer différemment encore, soit à pied, soit en voiture mais font attention de jouer vite ou laissent le passage. Le rythme de jeu est rapide, 4 heures de temps pour des équipes de 4 joueurs, c’est convenable. Il reste une heure pour prendre une bière ou deux. C’est ce que nous avons fait ce dimanche avec Ben et Stew, jeunes gens sympas et joyeux de l’âge de mes fils.

Le parcours de Mayland Penninsula est très étroit et la plupart des équipes devant nous n’ont pas pris de coup de soleil : beaucoup de joueurs étaient dans les bois, soit au premier, soit au deuxième coup. Le niveau de jeu n’est pas très élevé semble-t-il ici non plus.

Ce qui a retenu mon attention sur ces premiers parcours australiens, c’est le manque de respect dû au terrain. Les impacts de balle sur les greens sont nombreux et pas grand monde ne se soucie de relever le sien. Dans les bunkers un seul râteau ; autant dire qu’ils ne sont pas ratissés convenablement. Je ne crois pas que cela soit du je-m’en-foutisme, je pense que les joueurs ne savent pas. Beaucoup ne jouent pas en compétition et n’ont pas été confrontés aux règles du jeu. Une fois que la balle est tombée dans un pas et que l’on met deux coups à sortir des bunkers, on s’en souvient. Cela permet de se rappeler qu’il faut toujours ratisser son passage, non pour faire bien, mais pour ne pas gêner les joueurs qui nous suivent.

Laisser un terrain propre me semblait être une vertu anglo-saxonne, apprise à Londres et à Edimbourg ; je suis étonné qu’il n’en soit pas de même ici. Je trouve que cela incombe à la formation initiale des joueurs. C’est vrai que je n’ai pas vu grand monde en cours de technique dans le bunker ratisser le sable pour le cours d’après. On a beau dire que c’est le reflet de la vie d’aujourd’hui, je ne le crois pas car partout on insiste sur la qualité de la vie et sur le respect de l’environnement.

Je pense surtout que les gens qui ne jouent pas bien, en ont assez en cours de partie d’aller chercher des balles dans les bois, les fourrés et le sable. En compétition, jouant par handicap, on ne se rend pas compte du nombre de joueurs qui ne savent pas où va partir leur balle au moment de swinguer. C’est un peu moins vrai pour les dames qui frappent moins fort et ainsi sortent moins des fairways. Mais chez les hommes, le seul critère semble de frapper fort. En plus d’être une mauvaise attitude, rater plusieurs coups à la fois doit finir par atteindre le moral. C’est tout au moins ce que je ressentais moi-même lorsque je débutais. C’est la raison pour laquelle j’ai pris si souvent le chemin du practice pour tenter d’améliorer ma technique.

J’ai eu la chance d’apprendre avec des moniteurs de golfs qui ne nous faisaient pas de cadeaux. Pour aller sur le parcours, il fallait le mériter. Atteindre le bon handicap (24 ou 28 selon le sexe) pour jouer les beaux parcours était motivant. La démocratisation du golf ne passe pas par le laxisme à mon avis. La carte bleue ne peut pas remplacer la carte verte ou un apprentissage plus attrayant. Le plaisir de jouer ne demande pas d’être sur le parcours pendant six heures.

Le plaisir du jeu passe certainement par l’enseignement. Et dans l’enseignement un changement de pédagogie paraît nécessaire. J’en veux pour preuve les conclusions de mon ami Michael Wolseley dans son étude américaine. Il constate que 75% des joueurs qui ont touché un club, l’abandonnent dans les deux ans. 5% seulement des joueurs amateurs continuent de se perfectionner après avoir atteint un palier satisfaisant. La moyenne des index des joueurs et joueuses réunis est supérieure à 24. En clair, les gens ne savent pas jouer, n’ont pas appris la technique suffisante pour en tirer du plaisir et ne savent pas comment s’améliorer.

Dans mes divers écrits, j’insiste sur le fait que l’apprentissage du golf passe par un Pro. Mais ce dernier ne doit pas et ne peut pas être un censeur. Il doit accompagner le joueur s’il souhaite le revoir après la formation initiale. Pour un joueur se mettre au golf à 40 ou 50 ans n’est pas la même chose que pour un enfant encore scolarisé. Un adulte se remet entre les mains d’un enseignant et quoiqu’il en dise : cela lui fait mal. C’est douloureux d’apprendre. J’enseigne moi-même aux adultes et le premier jour, je passe mon temps à démythifier l’objet du cours, pour diminuer leurs appréhension. 

Le joueur ou la joueuse de golf doit être encouragé honnêtement. C’est-à-dire pas pour lui prendre de l’argent. Si l’enseignant est compétent, les bases du swing sont acquises au maximum en 10 heures de cours et tous les coups du jeu ont été passés en revue. J’estime avec un peu d’expérience, que l’on apprend une partie du swing dans chacun des compartiments du jeu : putt (les cours devraient commencer par-là), chip, jeu cours, fers, bois.

Le Pro devrait enseigner la manière de se servir du practice et insister sur l’intérêt d’y passer un peu de temps. Il gagnerait à rendre son élève autonome. Pourquoi ? Si le joueur est capable de diagnostiquer ses erreurs, il aura plaisir à venir revoir le Pro qui l’a initié au jeu. Je dis par ailleurs que pour progresser il faut chaque fin de saison prendre 3 heures de leçon, pas au moment des compétitions, au moment où les parcours sont difficiles, en hiver, pour avoir le temps d’assimiler les améliorations. Je crois que les gens ont peur de se mettre en situation d’améliorer leur jeu. Je ne trouve pas cela cohérent avec leurs valeurs.

Ce n’est pas fortuit, certains des défauts que nous nous créons par maladresse ou rigidité personnelle, sont difficiles à changer. Pour tout nouvel apprentissage, il faut inclure la durée, le temps. Il faut aussi s’organiser pour changer... Peut-être manquons nous de temps, mais je reste sceptique, vu la frustration qui anime la plupart des joueurs à la fin d’un parcours. Très peu sont contents d’eux-mêmes.

L’apprenti adulte à des certitudes sur ses capacités (positives ou négatives) et il a besoin non seulement d’entendre et faire mais aussi de se voir jouer pour progresser. Il en a besoin pour être plus efficace. En cours de golf, l’apprenti est en position d’infériorité : il est soumis à un jugement. Ce n’est pas le meilleur moyen de progresser. Nous le savons pour nos études quelles qu’elles soient, alors vous pensez quand il s’agit de jouer au golf !

Mine de rien, ce sport classe les gens. Ce sport divise, il a une image pas toujours positive pour celui qui ne connaît pas. Si l’on veut y jouer c’est que l’on a de bonnes raisons. Ne pas bien jouer est frustrant, face à ses amis ou parents. La pédagogie d'apprentissage devrait donc s’adapter à un tel contexte.

Le joueur adulte pour mieux jouer attend d’avoir des réponses à ses questions. Pourquoi un plan de jeu. Comment choisir ses objectifs ? Pourquoi une stratégie ? Qu’est-ce que l’étalonnage des clubs ? Comment s’entraîner ? Pourquoi faire des statistiques sur certains exercices ? ... Des questions plus pratiques sur le mental, l’alimentation, les règles. Cela n’est pas réservé qu’aux professionnels ou aux joueurs de compétition. Cela intéresse aussi les joueurs de loisir. Je le vois bien lorsque je leur en parle, ils s’intéressent et tout à coup admettent de pouvoir faire quelques progrès.

Notre seul repère est ce que nous voyons à la télévision et l’écart est vraiment grand entre les 100 meilleurs joueurs du monde et nos capacités d’amateur, même éclairé. Qui va dire que Jordan Spieth sur un tour va jouer 65, mais qu’à côté de lui un amateur (index 5), au même moment et sur le même parcours va jouer +20, des mêmes départs ? On ne joue pas le même jeu et il faudrait en adapter l’apprentissage. C’est à ce seul critère que les instances de la FFG verront augmenter leur nombre de joueurs. Les parcours seront plus et mieux fréquentés.

Il y a aussi une mentalité à changer. Vous me voyez souvent insister sur le côté sportif du golf. Ce n’est qu’une posture pour montrer que la compétition aide à se donner des objectifs. Mais je respecte vraiment ceux qui font un choix contraire. Dans les clubs que je visite, j’ai du mal à accepter leur choix. … La manière d’enseigner à une dame et à un enfant n’est pas la même que celle qui est employée pour un homme. Je ne vois pas toujours cette nuance apparaître. Les pros veulent être indépendants, mais les directeurs ont leur responsabilité dans la manière de former les membres. Les pros qu’il engage ou cautionne sur son practice devraient coopérer et non pas être en concurrence. Le marché est limité et les écoles continuent de former, il y a espoir de trouver une issue favorable à ma remarque dans quelques temps…

Parfois encore, le jeu des dames et celui des enfants n’est pas respecté, soumis à condescendance pour les unes et vindicte pour les autres qui avec leur jeunesse raflent les prix du tournoi du dimanche. Les dames pour les faire jouer plus vite et plus rapidement, il faut peut-être le leur enseigner. Leur montrer comment organiser une partie pour avoir le temps de jouer sans prendre sur le temps des autres… De la pédagogie encore qui servirait à bien des messieurs aussi. Quant aux enfants, si on ne les respecte pas, ils auront appris ce jeu fabuleux mais ne reviendront pas jouer quand ils seront établis. De nouvelles licences de perdues. Voilà les réflexions que je vous soumets…la discussion est ouverte.

Pour tous les clubs, publics et privés, il restera toujours le rôle du commerce, car si les clubs ne savent pas recevoir leurs clients, revoir leurs installations et les faire évoluer, ils ne peuvent s’en prendre qu’à eux-mêmes. … Le golfeur, quoi qu’il se dise sur lui, est un client et un client c’est sûrement embêtant, mais il n’y a que lui qui fait marcher le commerce...La concurrence se joue sur le rapport qualité de service-prix, notre formation sur le sujet est faite à chaque minute des spots publicitaires. Le golf n’y échappe pas, ce ne sont ni les grands joueurs, ni les grands événements qui augmenteront son intérêt, mais un effort pour le faire comprendre et apprendre. Partout dans le monde c’est la même chose.



Michel Prieu

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