A
peine les pieds sur cette terre d’Australie, qu’une pancarte le long de la
route a attiré mon attention : un club privé cherche des joueurs pour
devenir membre du club. Cela a immédiatement ouvert une réflexion sur
l’ensemble de ce sport que j’aime, tellement il m’a apporté au plan personnel
et pour tout ce qu’il me permet de partager avec les autres joueurs.
Si
j’avais stigmatisé, l’an dernier, l’attitude des joueurs de Floride puis des
Californiens pour leurs manières différentes d’aborder le golf, je dois
reconnaître que c’était pour moi deux périodes différentes. En Californie, je
jouais plus pour découvrir les golfs et rencontrer des gens tout en faisant du
sport. En Floride, j’aimais encore me confronter à chaque parcours, sportivement.
Dans les deux cas, toutefois, il m’intéresse de bien jouer le parcours, pour
moi et ceux qui m’accompagnent.
D’une
partie de golf, il me reste toujours des images ou des impressions. En Floride,
le starter était strict pour dès le tee de départ faire avancer rapidement tous les joueurs. Les
joueurs allaient assez vite et ne jouaient pas mal du tout, mais le sheriff
intervenait au moindre ralentissement. Voiture obligatoire. Le golf, c’est du
business : il faut faire entrer la monnaie. En Californie, changement de
décor, car je trouvais que les joueurs ne jouaient pas très bien et ne
s’occupaient pas des équipes jouant derrière eux. Surtout, aucun engagement de
la direction des golfs. Après trois parcours de 5H30, en voiture
(Californie=montagne), j’avais grande envie de laisser les clubs au clou.
Les
australiens semblent jouer différemment encore, soit à pied, soit en voiture
mais font attention de jouer vite ou laissent le passage. Le rythme de jeu est
rapide, 4 heures de temps pour des équipes de 4 joueurs, c’est convenable. Il
reste une heure pour prendre une bière ou deux. C’est ce que nous avons fait ce
dimanche avec Ben et Stew, jeunes gens sympas et joyeux de l’âge de mes fils.
Le
parcours de Mayland Penninsula est très étroit et la plupart des équipes devant
nous n’ont pas pris de coup de soleil : beaucoup de joueurs étaient dans
les bois, soit au premier, soit au deuxième coup. Le niveau de jeu n’est pas
très élevé semble-t-il ici non plus.
Ce
qui a retenu mon attention sur ces premiers parcours australiens, c’est le manque de respect dû au terrain. Les impacts de balle sur les greens sont
nombreux et pas grand monde ne se soucie de relever le sien. Dans les bunkers
un seul râteau ; autant dire qu’ils ne sont pas ratissés convenablement.
Je ne crois pas que cela soit du je-m’en-foutisme, je pense que les joueurs ne
savent pas. Beaucoup ne jouent pas en compétition et n’ont pas été confrontés
aux règles du jeu. Une fois que la balle est tombée dans un pas et que l’on met
deux coups à sortir des bunkers, on s’en souvient. Cela permet de se rappeler
qu’il faut toujours ratisser son passage, non pour faire bien, mais pour ne pas
gêner les joueurs qui nous suivent.
Laisser
un terrain propre me semblait être une vertu anglo-saxonne, apprise à Londres
et à Edimbourg ; je suis étonné qu’il n’en soit pas de même ici. Je trouve
que cela incombe à la formation initiale des joueurs. C’est vrai que je n’ai
pas vu grand monde en cours de technique dans le bunker ratisser le sable pour
le cours d’après. On a beau dire que c’est le reflet de la vie d’aujourd’hui,
je ne le crois pas car partout on insiste sur la qualité de la vie et sur le
respect de l’environnement.
Je
pense surtout que les gens qui ne jouent pas bien, en ont assez en cours de
partie d’aller chercher des balles dans les bois, les fourrés et le sable. En
compétition, jouant par handicap, on ne se rend pas compte du nombre de joueurs
qui ne savent pas où va partir leur balle au moment de swinguer. C’est un peu moins vrai pour les
dames qui frappent moins fort et ainsi sortent moins des fairways. Mais chez
les hommes, le seul critère semble de frapper fort. En plus d’être une mauvaise
attitude, rater plusieurs coups à la fois doit finir par atteindre le moral.
C’est tout au moins ce que je ressentais moi-même lorsque je débutais. C’est la
raison pour laquelle j’ai pris si souvent le chemin du practice pour tenter
d’améliorer ma technique.
J’ai
eu la chance d’apprendre avec des moniteurs de golfs qui ne nous faisaient pas
de cadeaux. Pour aller sur le parcours, il fallait le mériter. Atteindre le bon
handicap (24 ou 28 selon le sexe) pour jouer les beaux parcours était motivant.
La démocratisation du golf ne passe pas par le laxisme à mon avis. La carte
bleue ne peut pas remplacer la carte verte ou un apprentissage plus attrayant.
Le plaisir de jouer ne demande pas d’être sur le parcours pendant six heures.
Le
plaisir du jeu passe certainement par l’enseignement. Et dans l’enseignement un
changement de pédagogie paraît nécessaire. J’en veux pour preuve les
conclusions de mon ami Michael Wolseley dans son étude américaine. Il constate
que 75% des joueurs qui ont touché un club, l’abandonnent dans les deux ans. 5%
seulement des joueurs amateurs continuent de se perfectionner après avoir
atteint un palier satisfaisant. La moyenne des index des joueurs et joueuses
réunis est supérieure à 24. En clair, les gens ne savent pas jouer, n’ont pas
appris la technique suffisante pour en tirer du plaisir et ne savent pas comment s’améliorer.
Dans
mes divers écrits, j’insiste sur le fait que l’apprentissage du golf passe par
un Pro. Mais ce dernier ne doit pas et ne peut pas être un censeur. Il doit
accompagner le joueur s’il souhaite le revoir après la formation initiale. Pour
un joueur se mettre au golf à 40 ou 50 ans n’est pas la même chose que pour un
enfant encore scolarisé. Un adulte se remet entre les mains d’un enseignant et
quoiqu’il en dise : cela lui fait mal. C’est douloureux d’apprendre.
J’enseigne moi-même aux adultes et le premier jour, je passe mon temps à
démythifier l’objet du cours, pour diminuer leurs appréhension.
Le joueur ou la joueuse de golf doit être
encouragé honnêtement. C’est-à-dire pas pour lui prendre de l’argent. Si
l’enseignant est compétent, les bases du swing sont acquises au maximum en 10
heures de cours et tous les coups du jeu ont été passés en revue. J’estime avec
un peu d’expérience, que l’on apprend une partie du swing dans chacun des
compartiments du jeu : putt (les cours devraient commencer par-là), chip,
jeu cours, fers, bois.
Le
Pro devrait enseigner la manière de se servir du practice et insister sur
l’intérêt d’y passer un peu de temps. Il gagnerait à rendre son élève autonome.
Pourquoi ? Si le joueur est capable de diagnostiquer ses erreurs, il aura
plaisir à venir revoir le Pro qui l’a initié au jeu. Je dis par ailleurs que
pour progresser il faut chaque fin de saison prendre 3 heures de leçon, pas au
moment des compétitions, au moment où les parcours sont difficiles, en hiver,
pour avoir le temps d’assimiler les améliorations. Je crois que les gens ont
peur de se mettre en situation d’améliorer leur jeu. Je ne trouve pas cela cohérent
avec leurs valeurs.
Ce
n’est pas fortuit, certains des défauts que nous nous créons par maladresse ou
rigidité personnelle, sont difficiles à changer. Pour tout nouvel
apprentissage, il faut inclure la durée, le temps. Il faut aussi s’organiser pour
changer... Peut-être manquons nous de temps, mais je reste sceptique, vu la
frustration qui anime la plupart des joueurs à la fin d’un parcours. Très peu
sont contents d’eux-mêmes.
L’apprenti
adulte à des certitudes sur ses capacités (positives ou négatives) et il a besoin
non seulement d’entendre et faire mais aussi de se voir jouer pour progresser.
Il en a besoin pour être plus efficace. En cours de golf, l’apprenti est en
position d’infériorité : il est soumis à un jugement. Ce n’est pas le meilleur
moyen de progresser. Nous le savons pour nos études quelles qu’elles soient,
alors vous pensez quand il s’agit de jouer au golf !
Mine
de rien, ce sport classe les gens. Ce sport divise, il a une image pas toujours
positive pour celui qui ne connaît pas. Si l’on veut y jouer c’est que l’on a
de bonnes raisons. Ne pas bien jouer est frustrant, face à ses amis ou parents.
La pédagogie d'apprentissage devrait donc s’adapter à un tel contexte.
Le
joueur adulte pour mieux jouer attend d’avoir des réponses à ses questions.
Pourquoi un plan de jeu. Comment choisir ses objectifs ? Pourquoi une
stratégie ? Qu’est-ce que l’étalonnage des clubs ? Comment
s’entraîner ? Pourquoi faire des statistiques sur certains exercices ?
... Des questions plus pratiques sur le mental, l’alimentation, les règles. Cela
n’est pas réservé qu’aux professionnels ou aux joueurs de compétition. Cela
intéresse aussi les joueurs de loisir. Je le vois bien lorsque je leur en
parle, ils s’intéressent et tout à coup admettent de pouvoir faire quelques
progrès.
Notre
seul repère est ce que nous voyons à la télévision et l’écart est vraiment
grand entre les 100 meilleurs joueurs du monde et nos capacités d’amateur, même
éclairé. Qui va dire que Jordan Spieth sur un tour va jouer 65, mais qu’à côté
de lui un amateur (index 5), au même moment et sur le même parcours va jouer
+20, des mêmes départs ? On ne joue pas le même jeu et il faudrait en
adapter l’apprentissage. C’est à ce seul critère que les instances de la FFG verront
augmenter leur nombre de joueurs. Les parcours seront plus et mieux fréquentés.
Il
y a aussi une mentalité à changer. Vous me voyez souvent insister sur le côté
sportif du golf. Ce n’est qu’une posture pour montrer que la compétition aide à
se donner des objectifs. Mais je respecte vraiment ceux qui font un choix
contraire. Dans les clubs que je visite, j’ai du mal à accepter leur choix. … La
manière d’enseigner à une dame et à un enfant n’est pas la même que celle qui
est employée pour un homme. Je ne vois pas toujours cette nuance apparaître.
Les pros veulent être indépendants, mais les directeurs ont leur responsabilité
dans la manière de former les membres. Les pros qu’il engage ou cautionne sur
son practice devraient coopérer et non pas être en concurrence. Le marché est
limité et les écoles continuent de former, il y a espoir de trouver une issue
favorable à ma remarque dans quelques temps…
Parfois
encore, le jeu des dames et celui des enfants n’est pas respecté, soumis à
condescendance pour les unes et vindicte pour les autres qui avec leur jeunesse
raflent les prix du tournoi du dimanche. Les dames pour les faire jouer plus
vite et plus rapidement, il faut peut-être le leur enseigner. Leur montrer
comment organiser une partie pour avoir le temps de jouer sans prendre sur le
temps des autres… De la pédagogie encore qui servirait à bien des messieurs
aussi. Quant aux enfants, si on ne les respecte pas, ils auront appris ce jeu
fabuleux mais ne reviendront pas jouer quand ils seront établis. De nouvelles
licences de perdues. Voilà les réflexions que je vous soumets…la discussion est
ouverte.
Pour
tous les clubs, publics et privés, il restera toujours le rôle du commerce, car
si les clubs ne savent pas recevoir leurs clients, revoir leurs installations
et les faire évoluer, ils ne peuvent s’en prendre qu’à eux-mêmes. … Le golfeur,
quoi qu’il se dise sur lui, est un client et un client c’est sûrement embêtant,
mais il n’y a que lui qui fait marcher le commerce...La concurrence se joue sur
le rapport qualité de service-prix, notre formation sur le sujet est faite à
chaque minute des spots publicitaires. Le golf n’y échappe pas, ce ne sont ni
les grands joueurs, ni les grands événements qui augmenteront son intérêt, mais
un effort pour le faire comprendre et apprendre. Partout dans le monde c’est la
même chose.
Michel Prieu
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